Régime Écossais Rectifié

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Les néo-coëns, exégètes de « l’enfumage » et ministres du travestissement de la doctrine de Martinès de Pasqually

In Franc-maçonnerie, Martinès de Pasqually, Régime Ecossais Rectifié on 27 septembre 2019 at 22:21

Fonds Prunelle de Lière 1

« Le principe des ténèbres est venu se mêler à ces voies et y produire cette innombrable multitude de combinaisons différentes qui tendent toutes à obscurcir la simplicité de la lumière.»

(L.-C. de Saint-Martin, Ecce Homo, § 4).

 

Dans la préface de Serge Caillet, qui semble être devenu le préposé officiel aux présentations des ouvrages traitant de ces sujets, et qui d’ailleurs, « au vrai », s’y connaît assez bien en matière « d’enfumage » des circonférences [1], préface ouvrant le livre de Dominique Vergnolle qui vient de paraître sous le titre « Martines de Pasqually et les élus coëns, exégètes et ministres du judéo-christianisme » (Les Éditions de la Tarente, 2019), qualifie cette publication de « chef-d’œuvre » (sic).

Or s’en est un en effet, mais non dans le sens supposé par Serge Caillet, car il s’agit surtout d’un « chef-d’œuvre » dans l’art de répandre des écrans de fumée, dans l’usage des contresens et des dissimulations, et notamment « chef-d’œuvre » d’expert, il faut hélas ! l’avouer et le constater, en travestissements, opinions personnelles et interprétations faussées de la doctrine martinésienne.

Tout a déjà tellement été dit et redit sur ces questions ces dernières années, qu’il semble superflu d’avoir à y revenir une fois encore, les réseaux sociaux conservant encore l’écho des débats animés et passionnés qui s’y sont déroulés. Mais cette publication – constituée en majeure partie d’articles qui furent diffusés depuis 2011 par celui qui signait alors « Esh494 » sur son blog dit d’un « martinésiste chrétien », articles depuis retirés d’internet au profit d’une méthode de vente en direct du producteur au consommateur, si l’on peut dire, transformant son espace de communication en petite échoppe commerciale intitulée « la boutique de Esh » (sic) – pourrait faire impression auprès des lecteurs non avertis, et afin qu’ils ne tombent point dans le piège grossier que constitue ce livre, nous jugeons utile d’éclairer les artifices argumentaires employés dans les pages de cet ouvrage poursuivant, en mode néo-coën, l’identique entreprise engagée par Jean-François Var en mode néo-willermozien, c’est-à-dire refuser obstinément, ou à peine, d’admettre les difficultés présentées par les thèses véhiculées par Martinès et ses disciples, en tentant, désespérément, d’en faire admettre « l’orthodoxie », ou du moins le caractère de compatibilité et d’admissibilité au regard des enseignements de l’Église. Or, comme le fait justement remarquer Dominique Clairembault dans son analyse critique : « le martinisme n’est pas une théologie, il relève de la théosophie où la question de l’orthodoxie ne se pose pas en ces termes. Au contraire, l’originalité de la théosophie consiste à ajouter des éléments qui ne figurent pas dans les textes canoniques pour apporter un éclairage nouveau, et sur ce point, Martines de Pasqually est assez prolifique. Le cas de la seconde postérité de Noé, qui joue un rôle important dans la symbolique du Traité, est symptomatique. » [2]

I. Les raisons cachées de l’attitude trompeuse et de la stratégie mensongère

L’exercice visant à rendre compatibles les thèses martinésiennes avec l’enseignement de l’Église, relève donc de l’acrobatie intellectuelle qui  n’hésite pas à faire usage d’épaisses contrevérités et d’une grosse dose de mauvaise foi, cette pratique de la corde raide étant motivée par une raison bien simple que D. Vergnolle  et J.-F. Var en charge de responsabilités – présentes ou passées au sein du Grand Prieuré des Gaules – se gardent bien de confesser ouvertement, mais qui est pourtant le mobile foncier de leur entreprise, c’est que si les thèses que l’on trouve à l’intérieur du Régime écossais rectifié provenant, via Jean-Baptiste Willermoz, de Martinès de Pasqually, venaient à apparaître pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire d’authentiques propositions puissamment hétérodoxes et à bien des égards hérétiques, depuis toujours condamnées par les pères, les docteurs et théologiens de l’Église, c’est toute leur ardente activité dans les domaines initiatiques qui viendrait non seulement à être frappée d’illégitimité, mais, plus sérieusement, tomberait brutalement sous le coup des censures et interdits ecclésiastiques, qu’ils ne se privèrent pas, lorsque l’occasion leur en fut offerte, de fulminer à tour de bras à l’encontre de leurs adversaires théoriques. En quelque sorte, éviter de se retrouver pour eux dans la situation très inconfortable et tragicomique de l’arroseur arrosé.

On comprend, dès lors, beaucoup mieux la raison de la singulière énergie avec laquelle, ces fervents avocats en milieu maçonnique d’un respect des « dogmes intangibles » de l’Église [3], s’agitent comme des forcenés, afin de justifier l’injustifiable, puisqu’il en va, concrètement, de leur présence en des lieux où, en théorie avec ce qu’ils défendent, ils ne devraient pas être, ni encore moins « opérer », en se livrant allègrement à des rituels relevant des méthodes magiques douteuses provenant de transmissions infectées de l’occultisme le plus crasseux. Tel est le singulier paradoxe de leur situation.

II. Raisonnement de base vicié fruit d’une ignorance radicale de la notion de « nécessité »

La nette distance d’avec l’ontologie martinésienne véritable, provient – comme le mit en lumière Jean-Marc Vivenza dans l’étude fondamentale consacrée au sujet, à savoir « La doctrine de la réintégration des êtres » (La Pierre Philosophale, 2012), auteur qui est d’ailleurs le grand absent du point de vue des références du livre de Dominique Vergnolle, alors que ce dernier pourrait, au minimum, le remercier de l’avoir conduit à rédiger ses articles publiés alors sur son espace virtuel, articles devenus livre aujourd’hui, de façon à répondre à une mise en lumière de la doctrine de Martinès rendant problématique une posture affichée et revendiquée d’attachement à la foi commune de l’Eglise et une adhésion aux thèses des élus coëns, omission qui en dit long au passage sur l’honnêteté intellectuelle du « judéo-chrétien martinésien » [4] qui, rappelons-le pour les esprits oublieux, n’avait pas hésité avant la parution du livre de J.-M. Vivenza en 2012, et sans même l’avoir lu, à le critiquer avec une rare vigueur [5] -, d’une patente ignorance de ce qui encadre l’ensemble de la perspective du Traité de Martinès, soit la notion de « Création nécessaire ».

En effet, bien obligé, même si l’on sent bien que c’est à contrecœur, d’aborder la question de la « nécessité » qui entoure, encadre et préside à l’ontologie de la Création chez Martinès, le premier chapitre est ainsi un modèle du genre dans l’évitement, la falsification et le paralogisme dont Dominique Vergnolle s’est fait une habitude.

La question de la « nécessité » est centrale chez Martinès, comme au Régime écossais rectifié dont elle est l’une de thèses premières des Instructions secrètes de la Classe non-ostensible, pourtant Dominique Vergnolle, soit par ignorance des notions théologiques touchant à la Création, soit par volonté de déni, passe complètement à côté du sujet, les pages 33 à 44  de son livre qui devraient présenter le cadre doctrinal du Traité, étant en fait un exercice de contournement total de la question. Or, si le sujet n’est pas abordé, connu, et étudié, c’est tout le contexte de l’ontologie martinésienne qui demeure impensé, et donc la doctrine qui est incomprise, travestie et déformée au profit d’élucubrations diverses et variées très éloignées de l’enseignement des élus coëns.

a) Omission des passages faisant difficulté chez Martinès de Pasqually

Rappelons que pour penser correctement la doctrine martinésienne, il faut d’abord et avant tout, reconnaître et admettre, comme le firent tous les disciples de Martinès au XVIIIe siècle sans exception, le caractère de « nécessité », tant dans la constitution de l’Univers matériel conçu pour servir de prison aux démons, que dans l’émanation glorieuse que la création matérielle d’Adam, situant la doctrine de Pasqually dans un climat métaphysique et spirituel de « contrainte » tout à fait étranger aux positions dogmatiques de l’Église au sujet de la Création.

Et c’est en cela que réside le problème le plus important et la difficulté principale dont toutes les autres découlent, faisant qu’il est absolument impossible de faire rentrer dans le cadre des définitions dogmatiques et conciliaires la doctrine de Martinès, sauf à « opérer » sur elle de tels contresens qui aboutissent à la constitution d’une position qui n’est plus martinésienne mais relève du roman de science-fiction et de la littérature pseudo-inspirée, en quoi se résume d’ailleurs le travail de Dominique Vergnolle.

Voilà en quoi consiste l’aporie foncière de l’entreprise du « judéo-chrétien martinésien », qui ne peut que surprendre, pour ne pas dire sérieusement choquer ceux qui sont attentifs au respect des concepts propres à la doctrine de la réintégration [6].

*

Il sera de ce fait inutile au lecteur de tenter de retrouver les passages problématiques du Traité de Martinès, relatifs à la notion de « nécessité » dans le livre de Dominique Vergnolle, car ils n’y figurent pas, ils sont passés sous silence au profit d’un verbiage délayé qui a pour finalité de faire disparaître le problème.

Or, les affirmations de Martinès touchant à la « nécessité » de l’Univers créé sont claires et exprimées de manière incontestable en plusieurs endroits de son Traité dont particulièrement ce passage :

« Sans cette première prévarication, aucun changement ne serait survenu à la création spirituelle, il n’y aurait eu aucune émancipation d’esprits hors de l’immensité, il n’y aurait eu aucune création de borne divine, soit surcéleste, soit céleste, soit terrestre, ni aucun esprit envoyé pour actionner dans les différentes parties de la création. » (Traité sur la réintégration des êtres, § 237).

b) Les bases doctrinales martinésiennes oubliées

En quelques lignes, Martinès dans ce passage essentiel, pose les bases doctrinales de son Traité (doctrine, comme déjà signalé, exposée dans les Instructions de la Classe non-ostensible du Régime écossais rectifié), et que l’on peut résumer ainsi :

  • Création du monde matériel rendue « nécessaire » et s’étant imposée à l’Éternel contre sa volonté, en raison de la prévarication des anges rebelles.
  • Création de l’Univers matériel tenant lieu de « prison », non par Dieu directement mais par des esprits intermédiaires.
  • Émanation de l’homme par le Créateur, résultant non pas d’un « don d’amour » et d’un acte gratuit, mais effectuée en conséquence de la révolte des anges rebelles.
  • Incorporisation d’Adam dans une forme de matière « impure » en conséquence de sa désobéissance originelle,
  • Vocation, de par son origine contraire à la volonté première du Créateur, à l’anéantissement de l’ensemble du composé matériel.
  • Impossible spiritualisation de la chair, corrompue et impure, destinée à la dégradation et à la mort, vouée à la disparition et au néant.

Tous ces points sont purement et simplement évacués – le lecteur cherchera en vain quelques allusions à la Création de l’univers matériel, non par Dieu directement mais par des esprits intermédiaires dans le livre de Dominique Vergnolle, thèse issue des courants gnostiques hautement problématique au niveau théologique et violemment combattue par les pères de l’Église [7] – au profit de considérations fantaisistes qui relèvent d’un récit de reconstruction afin de rendre admissibles les positions de Martinès avec les décisions conciliaires, le sommet du paralogisme étant atteint par un tour de passe-passe qui relève des vielles ficelles argumentaires, déplaçant la question de la « Création contrainte » sur l’examen du sens de l’expression « le Créateur fit force de lois sur son immutabilité en créant cet Univers » (Traité, 6) à partir du Dictionnaire Universel Français et Latin imprimé à Trévoux au XVIIIe siècle, qui n’apparaît pas avoir des vertus particulières en herméneutique martinésienne surtout lorsqu’on le cite partiellement et à contresens, examen ondoyant et inexact donc qui aboutit à cette perle, qui n’est malheureusement pas de « grand prix » mais de vil métal conceptuel : « Faire force de lois sur son immutabilité ce n’est pas être contraint par des éléments extérieurs, c’est simplement pour Dieu être ce qu’Il est et justement ne pas subir de contrainte ; agir selon ce qu’Il est et non sous la pression d’événements auxquels il est étranger » (p. 38).

On ne saurait tordre plus faussement la pensée de Martinès de Pasqually et se méprendre sur l’enseignement de son Traité, au point de parvenir à une conclusion qui est aux antipodes extrêmes de l’ontologie doctrinale martinésienne. C’est profondément affligeant et témoigne d’une importante duplicité dans le discours qui participe de grotesques contorsions théoriques malhabiles, et parfois d’aveux quasi naïfs de ce que Martinès ne dit pas, et pour cause – à savoir que « seul l’amour guide l’action de Dieu » (p. 42) -, puisque précisément cette notion de « Création par amour » est étrangère à la pensée du fondateur des élus cöens !

c) Rappel de la doctrine martinésienne

C’est pourquoi, les lecteurs se tourneront de préférence vers Jean-Marc Vivenza qui, dans « La doctrine de la réintégration des êtres », explique le sens des thèses de Martinès, en éclairant ce que signifie réellement l’expression « le Créateur fit force de lois sur son immutabilité en créant cet Univers » (Traité, 6) :

« [Selon Martinès de Pasqually], la création de l’Univers matériel fut imposée à Dieu pour y enfermer les esprits révoltés, de sorte qu’ils soient contenus et emprisonnés dans un cachot en forme de lieu de privation. On voit donc immédiatement la grande différence d’avec la foi de l’Église qui repousse vigoureusement sur le plan dogmatique une telle vision (raison pour laquelle l’origénisme, qui postulait des thèses semblables, fut condamné lors du concile de Contantinople II en 553), insistant constamment sur le bienfait de la Création matérielle, témoignage de l’amour de Dieu à l’égard du monde et de ses créatures, Église qui ne peut que refuser avec force l’idée d’une création de la matière motivée par la nécessité d’y enserrer les démons.

Or, les nombreux passages décrivant cette Création « nécessaire » sont, à l’évidence, extrêmement clairs et précis chez Martinès, qui n’hésite pas à exprimer sa vision à plusieurs endroits du Traité, comme il le fera dans le « Grand discours de Moïse » où il écrit : « Sans cette prévarication, il n’y aurait point eu de création matérielle temporelle, soit terrestre, soit céleste ; (…) Tu apprendras à connaître la nécessité de toute chose créée, et celle de tout être émané et émancipé. » (Traité, 224) ; puis, un peu plus loin déjà cité : « Sans cette première prévarication, aucun changement ne serait survenu à la création spirituelle ; il n’y aurait eu aucune émancipation d’esprits hors l’immensité ; il n’y aurait eu aucune création de borne divine, soit surcéleste, soit céleste, soit terrestre, ni d’esprits envoyés pour actionner dans les différentes parties de la création (…) les esprits mineurs ternaires n’auraient jamais quitté la place qu’ils occupaient dans l’immensité divine, pour opérer la formation d’un univers matériel. » (Traité, 237). […]

Le monde matériel n’est donc pas du tout chez Martinès le fruit d’un « don » de Dieu créé par gratuité, lui ayant fait dire après les six jours que « tout cela était bon », mais il s’est au contraire imposé à Dieu par « nécessité » afin d’enserrer les démons, puis l’homme à son tour, dans une « prison de matière » : « Il faut vous convaincre que la matière première ne fut conçue par l’esprit bon que pour contenir et assujettir l’esprit mauvais dans un état de privation et que véritablement cette matière première, conçue et enfantée par l’esprit et non émanée de lui, n’avait été engendrée que pour être à la seule disposition des démons. » (Traité, 274.)

[…] L’ontologie interne du Traité de Martinès est celle-ci :  l’Univers physique matériel édifié par ordre du Créateur par des « esprits inférieurs producteurs des trois essences spiritueuses d’où sont provenues toutes les formes corporelles » (Traité, 256), répond à une « nécessité » – Jean-Baptiste Willermoz parle lui d’une « violence » qu’il désigne sous le nom de « cause occasionnelle » ayant « déterminé » le Créateur, non par l’effet de sa libre volonté et par l’exercice du don gratuit de son amour, mais par « une cause opposée à son Unité éternelle » (cf. Instructions secrètes) -, qui fut imposée à Dieu, car cet Univers eut pour fonction de placer en privation les esprits pervers : « univers physique en apparence de forme matérielle, pour être le lieu fixe où ces esprits pervers auraient à agir et à exercer en privation toute leur malice. » (Traité, 6). » [8]

III. Un ouvrage empli de digressions personnelles théologico-religieuses  lassantes et maladroites relevant de la fiction littéraire

Ainsi donc, les lecteurs qui chercheront désespérément les allusions à ces passages explicites du Traité, et les explications cohérentes de la doctrine qui devraient normalement les accompagner, retrouveront, non seulement dans ce premier chapitre du livre de Dominique Vergnolle, pourtant consacré à la notion de « nécessité » qui évacue purement et simplement le sujet au profit d’un paralogisme de déviation sur l’immutabilité oubliant que l’expression « faire force de lois » signifie selon le dictionnaire « une contrainte exercée pour obtenir un résultat », mais aussi tout au long des pages qui suivent (pp. 45-235), des digressions personnelles lassantes et maladroites qui relèvent à la fois de la fiction littéraire, de considérations théologico-religieuses et d’une reconstruction romancée de la doctrine martinésienne, et souvent même de regrets, réitérés à plusieurs endroits, de ne pas voir Martinès abonder dans le sens que voudrait retrouver Vergnolle sous la plume de l’auteur du Traité, confessant par exemple ceci, lorsque trouvant de la « nécessité » et de la plus belle eau dans le passage 42 du Traité où les termes « forcé » et « obligé » sont difficilement contestables, ce qui vaut plus que de longs discours : « Les expressions « forcé » et « obligé à », relativement à l’action divine, ne peuvent être acceptées du point de vue judéo-chrétien ou chrétien. Elles paraissent montrer que Martinès ignore ou rejette le principe d’amour divin infini et immuable inscrit en Lui […] nous ne pouvons pas accepter qu’il soit dit que cette volonté, contraire à celle du Créateur, força ou obligea Dieu à quoi que ce soit […] seul l’amour immuable guide son action. Et ceci Martines ne le dit jamais ce qui est fort regrettable. » (pp. 41-42).

Certes c’est fort regrettable, mais telle est bien la pensée de Martinès, une pensée fondée et établie incontestablement sur la notion de « nécessité » contrainte dans l’oeuvre de Création de l’Éternel, alors que faire ?

Amender cette doctrine, la corriger, « puisqu’enrichir n’est pas trahir » selon celui qui est « le Christ dans l’Ordre » (sic) d’après Dominique Vergnolle ?! [9]

Toute cette posture n’est pas sérieuse et montre l’impasse criante et les immenses difficultés face auxquelles se trouvent confrontés Vergnolle et ses « amis ».

Il est en conséquence inutile de se pencher sur les multiples erreurs contenues dans les thèmes successifs abordés dans la première partie de son livre par Dominique Vergnolle : le monde des émanations, la problématique trinitaire, l’image et la ressemblance, Houva et Ève, la création glorieuse, la réintégration universelle, la spiritualisation de la chair, l’incarnation et la passion [sans majuscules dans le texte !] du Christ, puisque tous sont frappés du vice rédhibitoire premier en quoi consiste la singulière méconnaissance de l’ontologie martinésienne de la « Création nécessaire », qui rend absolument impossible une approche authentique de la doctrine de Martinès de Pasqually.

Nous ne nous y arrêterons donc pas car cela serait une perte de temps, dans la mesure où, outre que l’égarement spirituel est largement consommé aujourd’hui, comme il est bien connu en philosophie : des prémisses fausses ne peuvent conduire qu’à des conclusions inexactes.

IV. Bassesse des critiques à l’encontre de Louis-Claude de Saint-Martin

Si la deuxième partie de l’ouvrage est descriptive et historique, n’apportant rien de bien neuf sur ce que l’on sait déjà de l’organisation des grades coëns, la troisième partie se distingue par un vibrant plaidoyer en faveur des « opérations » de théurgie. Le contraire eut étonné. Mais là où les « choses » se compliquent, c’est lorsque le martinésien chrétien prétend qu’il n’y a pas de contradiction entre la « voie externe » préconisée par Martinès et celle, « interne », dont Louis-Claude de Saint-Martin défendit le caractère essentiel, nous invitant à dépasser les  «oppositions » qui seraient affaire de polémistes (p. 291) : « Cette question concerne encore aujourd’hui les critiques de certains saint-martinistes [i.e. les analyses de J.-M. Vivenza] envers les pratiques Coëns… » (p. 284) ; « Il est curieux et désappointant de voir comment ce débat est encore parfois relancé…Malheureusement, nous entendons encore trop souvent des critiques de certains martinistes qui semblent désirer poursuivre de nos jours cette controverse du XVIIIe siècle. Ces critiques portent encore sur la forme même et l’inspiration des rituels Coëns et ils vont jusqu’à qualifier ceux-ci de magiques dans le sens le plus vil du terme. » (pp. 286-287).

Or, que cela plaise ou non, la controverse ne se limite pas au XVIIIe siècle et concerne toutes les époques car, à chaque génération dans ce monde, les âmes se précipitent dans les mêmes pièges tendus par l’adversaire de l’homme.

Ainsi, en guise de « dépassement des oppositions », est sévèrement attaquée la position de Saint-Martin, qui mit grandement en garde à l’égard des pratiques théurgiques qu’il jugea « inutiles et dangereuses », dans le chapitre « Une tentative de réforme de l’Ordre en 1777… » (pp. 277-291), la position du Philosophe Inconnu étant décrite de façon dépréciative : « Saint-Martin a préjugé des moyens qui étaient utiles ou inutiles aux frères » (p. 286) ; « en surestimant les forces des frères par une exigence trop importante, en leur imposant  une voie guidée par une sensibilité qui n’était pas la leur, il finit par détourner les hommes de leur but … » (ibid.) ; « ainsi, comme souvent, le Malin pave ses routes de bonnes intentions » (Ibid.), etc., ces amabilités ayant déjà été formulées par Dominique Vergnolle, alias  Esh à l’époque, sur son blog, puisque Saint-Martin y était déjà présenté comme un « piétiste », « mystique », etc., essayant d’esquiver la difficulté en prétendant que toutes les voies sont acceptables puisque autorisées par la « Providence » : « les voies qui mènent à la réconciliation et à l’illumination sont nombreuses et sont le fruit de la divine Providence » (sic)…ce qui est, du point de vue spirituel, une positions absolument fausse et radicalement inexacte, toutes les voies n’étant pas identiquement admissibles ni également saintes pour accéder au Ciel, loin de là et bien au contraire, l’ensemble de l’Histoire de l’humanité témoignant suffisamment des tragiques égarements  dans lesquels se sont fourvoyées des multitudes d’âmes abusées par les trompeuses illusions largement répandues par l’adversaire de Dieu !

V. Des critères théologiques et dogmatiques imposés qui auraient interdit à Martinès de Pasqually de franchir la porte du temple !

La conclusion, précédée d’un rappel de ce que se doit d’admettre un chrétien : « croyance en la Sainte Trinité » ; « affirmation de la double nature du Christ » ; « reconnaissance de la résurrection des morts » (p. 399) critères qui auraient, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes, empêché Martinès de Pasqually d’être admis dans les structures présidées par le martinésien chrétien et ses proches, s’achève par l’invitation à « opérer » à partir de la « Résurgence » de 1942 / 1943.

a) Absence de valeur initiatique de la prétendue « Résurgence » des coëns de 1942 / 1943

Le problème et il n’est pas nouveau, hélas, pour Dominique Vergnolle qui fait l’aveugle volontaire sur le sujet – mais il n’est pas le seul parmi ses « amis » néo-coëns dans cette situation délicate – puisque, comme il est connu, Robert Amadou (+ 2006), que tous regardent comme la référence et leur « maître », les années avançant, étant devenu de plus en plus critique et réservé sur la valeur de la prétendue « Résurgence » qu’il ne se privait pas de désigner ouvertement en privé comme ayant été « une erreur et un échec » (sic), se refusa de transmettre quoi que ce soit à tout ce gentil petit monde, laissant ces braves néo-martinésiens dans une disette complète au niveau des initiations.

b) Les groupuscules néo-coëns et leurs sources initiatiques fictives et occultistes 

De la sorte, et avant même le retour au ciel de Robert Amadou, initiative qui ne fut d’ailleurs pas du tout de son goût, et afin de pouvoir « opérer » et pratiquer les cérémonies partiellement retranscrites des rituels coëns, ce petit noyau néo-coën – pour le tandem Caillet / Vergnolle uni par une dévotion envers Robert Amadou (sur laquelle il y aurait beaucoup à dire d’ailleurs mais passons…) – est allé chercher, pour l’un des protagonistes, des certifications fictives dénuées de valeur initiatique auprès du successeur de Robert Ambelain (+ 1997) en Italie, Yvan Mosca (+ 2005) dit « Hermete » », de confession juive, athée, plus qu’hostile vis-à-vis du christianisme, et dont la qualification de « Grand Souverain » n’était qu’administrative expliquant pourquoi sa première initiative sitôt nommé fut de mettre en sommeil la « Résurgence » par décision arrêtée le 14 août 1968, se contentant ensuite, jusqu’à sa disparition, de conférer, de temps à autre, des grades dans des conditions folkloriques teintées d’un vague cadre hébraïsant dénué de toute validité, ou, pour l’autre, accepter de recevoir une charge et un titre, certes imaginaires mais fortement infectés d’occultisme provenant de l’O.M.S. du Brésil, structure liée à une foule de groupes douteux dont plusieurs positivement lucifériens (WICCA, Ordre du Lys et de l’Aigle, Golden Dawn, etc.), ces deux branches se revendiquant de Robert Amadou, s’étant d’ailleurs sans doute croisées par consanguinité au fil des années à la faveur des échanges de bons procédés entre néo-coëns.

Quant aux autres groupuscules et chapelles néo-coëns fonctionnant de part et d’autres, à distance ou proximité des sphères maçonniques, plus ou moins discrets mais tout autant illégitimes et dénués de validité initiatique, leurs sources, singulièrement illusoires et occultistes, proviennent soit d’Yvan Mosca, soit, toujours via Robert Ambelain, des lignées issues de Louis Bentin (+ 2003) ; René Chambellant (+ 1993) ;  André Mauer (+ 2003) ; Joël Duez ; etc.

Conclusion

Pour conclure, la stratégie de D. Vergnolle, comparable à celle de J-F Var, se résume – après s’être rendu-compte que la défense de l’orthodoxie dogmatique dont ils se sont faits les zélés missionnaires transformant peu à peu le Grand Prieuré des Gaules en une authentique chapelle confessionnelle à tendance sectaire [10], était contredite par les thèses martinésiennes présentes au sein du Régime rectifié, et que, de plus, les mêmes personnages s’étaient mis en tête de recevoir des transmissions douteuses pour constituer un groupuscule coën sous le nom « d’Ordre de Josué » (dans lequel on créa même un titre de « Souverain » (sic) dans des conditions ahurissantes que l’on préfère passer sous silence par charité fraternelle) -, à avoir compris qu’ils ne se sortiraient de cette position difficile qu’en tentant une autojustification par la prétendue compatibilité de l’enseignement ecclésial avec la doctrine de Pasqually, stratégie qui fait l’objet des publications et interventions des deux compères qui se trouvent dans une position délicate face aux évidences.

Une chose est certaine, toutes les structures néo-coëns actuelles participent des difficultés évoquées, d’où une certaine solidarité qui s’est manifestée par l’empressement, ici et là dès sa sortie, à louer la publication de D. Vergnolle, car faute de disposer des qualifications initiatiques nécessaires, ces personnages se trompent en trompant les naïfs qui se laissent abuser par leur discours, aveugles volontaires conduisant d’autres aveugles ignorants, triste situation il faut bien l’avouer qui ne fait que perdurer depuis la constitution hasardeuse de cette pseudo Résurgence des coëns de 1942 / 1943. [11]

On le constate donc, toutes les voies, contrairement à ce qu’écrit Esh, ne sont pas « providentielles » et ne mènent pas à Dieu, car beaucoup conduisent souvent directement à son adversaire et à ses légions, surtout celles de l’occultisme magique avec ses « ex-conjurations » périlleuses, célébrations d’holocaustes, crémations d’organes animaux enfumées de poudres psychotropes et autres rituels délirants où sont convoqués les démons et leur Prince, pratiques théurgiques fortement condamnées par l’Église et désignées, à juste titre, « d’inutiles » et « dangereuses » par Louis-Claude de Saint-Martin, qui était bien placé pour en parler et autrement qualifié spirituellement que les néo-coëns contemporains pour en définir la nature, désignant ce « remplacement » selon son expression [12], comme étant une voie trompeuse traversée par le « principe des ténèbres », et qui ne se priva pas – comme nous le considérons à son exemple « nécessaire » -, de le faire savoir sans ménagements particuliers au titre du « devoir de vérité » :

« Parmi ces voies secrètes et dangereuses, dont le principe des ténèbres profite pour nous égarer nous pouvons nous dispenser de placer toutes ces extraordinaires manifestations, dont tous les siècles ont été inondés et qui ne nous frapperaient pas tant, si nous n’avions pas perdu le vrai caractère de notre être et surtout si nous possédions mieux les anales spirituelles de notre histoire, depuis l’origine des choses. Dans tous les temps, la plupart des voies ont commencé à s’ouvrir dans la bonne foi et sans aucune espèce de mauvais dessein de la part de ceux à qui elles se faisaient connaître. Mais faute de rencontrer, dans ces hommes favorisés, la prudence du serpent avec l’innocence de la colombe, elles y ont opéré plutôt l’enthousiasme de l’inexpérience, que le sentiment à la fois sublime et profond de la sainte magnificence de leur Dieu ; et c’est alors que le principe des ténèbres est venu se mêler à ces voies et y produire cette innombrable multitude de combinaisons différentes et qui tendent toutes à obscurcir la simplicité de la lumière. » (L.-C. de Saint-Martin, Ecce Homo, § 4).

(*) Précision : Par-delà les indications spéciales dans le corps du texte ou en notes, les sources et éléments de références pour l’écriture de cet article (l’usage des guillemets n’ayant pas toujours été respecté), proviennent des ouvrages de Jean-Marc Vivenza.  

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Ouvrages cités :

           2012 - La Doctrine de la réintégration des êtres                                                 Sans titre 1

                         J.-M. Vivenza                                                                  D. Vergnolle

La doctrine de la réintégration des êtres                     Martines de Pasqually et les élus coëns

La Pierre Philosophale, 2012 (4e édition 2014).                    Editions de la Tarente, 2019.

Notes.

1 – Le discours hagiographique portant sur la Résurgence coën de 1942 / 1943, est le « marqueur » habituel des propos de Serge Caillet qui, étrangement, écarte systématiquement d’un revers de main chaque fois que l’occasion lui en est donnée, l’initiative du premier réveil des coëns réalisé par Jean Bricaud (+ 1934), qualifiant la filiation utilisée pour ce « réveil » « d’illusoire » (D. Vergnolle, op.cit., p. 13), alors que contrairement à la Résurgence Lagrèze / Ambelain – dénuée objectivement de toute validité puisque l’on sait que Lagrèze, qui a menti sur ce sujet, n’avait jamais été admis au sein de la classe non-ostensible du Régime écossais rectifié – Bricaud put s’appuyer au contraire, sur la Grande Profession que reçut Édouard Blitz (+ 1915) du Collège de Genève. Bien évidemment le but de ce discours répété en boucle et jusqu’à plus soif, étant de tenter de conférer un semblant de pseudo légitimité à cette entreprise rocambolesque que fut la Résurgence de 1942 / 1943, dont se revendiquent et à laquelle se rattachent Serge Caillet et ses « amis », et dont la lecture des deux premiers motifs fantaisistes inscrits dans la Charte de reconstitution des « coëns », laisse absolument rêveur sur la valeur de cette authentique farce relevant objectivement de la supercherie initiatique :

« 1°) La reprise des grandes opérations théurgiques pour le bien de la collectivité humaine. 2°) La purification régulière de l’Aura terrestre et faire échec aux courants maléfiques issus du Cône d’Ombre et manipulé intentionnellement par ses satellites

Cf. Charte de reconstitution et de Réveil de 1943, Points 1 & 2.

2 – D. Clairembault, Notes de lecture, 15 septembre 2019.

3 –  D. Vergnolle, ceci a son importance, s’engagea avec un zèle consommé dans la campagne en dénonciation du Porte-parole officiel du Grand Prieuré des Gaules au motif de prétendues « déviances doctrinales », ayant concouru avec l’ex Grand-Aumônier aux déclarations prononcées sur l’intangibilité du « dogme » (cf. Discours saint Michel 2012, Cahiers Verts n° 7, 2012, pp. 14-15) qui entraînèrent la rupture et la constitution du Directoire National Rectifié de France-Grand Directoire des Gaules en décembre 2012. Il est par ailleurs l’auteur d’une péroraison mémorable introduisant du « droit divin » en franc-maçonnerie, publiée dans les Cahiers Verts, dans laquelle il désignait le Grand Maître de son obédience multi-ritualiste coiffée d’une Aumônerie, comme le « représentant du Christ en ce monde » : « (…) il est le digne représentant du Christ dans l’Ordre. (…) En servant l’Ordre et son Grand Maître ou ses représentants et lieutenants, nous servons le Christ.» (Cf. D. Vergnolle, Ordre et obédience, Cahiers Verts n° 8, 2013, p. 31).

4 – Dominique Clairembault dans son compte-rendu du livre de D. Vergnolle fait justement remarquer : « Nous avons été surpris à ce propos de ne pas trouver de références aux travaux d’autres auteurs, par exemple ceux de Jean-Marc Vivenza, qui aborde ces thèmes, ou à des études récentes sur les origines du christianisme […] Plus qu’au judéochristianisme, c’est à la théosophie chrétienne que se rattache la doctrine des Élus coëns. » (D. Clairembault, op.cit.).

5 – Esh, Une bien curieuse mise en garde, dimanche 21 octobre 2012.

6 – On sourira de voir Serge Caillet, que l’on a cependant connu plus inspiré, décerner un brevet d’autorité dans la connaissance de la doctrine à Dominique Vergnolle avec une belle dose de flagornerie bien appuyée : « Nourri d’une connaissance sûre de la doctrine de la réintégration […] ce m’est une joie de garantir aujourd’hui l’autorité du guide. » (p. 22).

7 – Alain Marbœuf a bien perçu la difficulté à cet égard, et constate une évidente proximité des positions de Martinès avec les thèses gnostiques de Valentin. (Cf. A. Marbeuf, Martinès de Pasqually et La Gnose valentinienne, The Rose+Croix Journal, vol. 5, 2008).

8 – J.-M. Vivenza, La doctrine de la réintégration des êtres, La Pierre Philosophale, 2013, pp. 67-70.

9 – Bruno Abardenti, Discours saint Michel 2013, Cahiers Verts n° 8.

10 – Il n’est pas anodin de relever la dédicace du livre de D. Vergnolle ainsi rédigée : « À Daniel Fontaine auquel je dois la découverte d’un monde (…) ma reconnaissance ne lui sera jamais assez fortement témoignée » (p. 7), sachant que le dit Daniel Fontaine, lorsqu’il était Grand Maître du Grand Prieuré des Gaules, est tout de même à l’origine d’une forgerie incroyable, puisque ayant cru bon de fabriquer une pseudo Grande Profession de son invention soi-disant de « transmission russe » (Cf. J.-M. Vivenza, Histoire du Régime Ecossais Rectifié des origines à nos jours, La Pierre Philosophale, 2017, pp. 292-295), ceci tendant à démontrer que la création de « contrefaçons » initiatiques semble, apparemment, être une spécialité de cette obédience.

11 – Dominique Vergnolle se veut conciliant et aimable dans son ouvrage, mais il participa, beaucoup s’en souviennent, à la véritable guerre idéologique qui s’est déclenchée au Grand Prieuré des Gaules en 2012, dont les détails sont exposés dans le chapitre XII de l’Histoire du Régime Ecossais Rectifié des origines à nos jours, op.cit., pp. 329-361, et où l’on trouve un écho à l’activité des néo-coëns : « Un débat tranché depuis plusieurs mois, agitait énormément les mêmes esprits, débat qui portait sur la question du degré de validité à accorder à la transmission de Robert Ambelain, via l’O.M.S. et ses discutables, plus qu’occultistes et singulièrement « douteux » rameaux néo-coëns londoniens et brésiliens, transmission issue de la « Résurgence » de 1942, sur laquelle certains avaient cru bon de s’appuyer pour conférer des grades et titulatures, dont celle de « Souverain » […] ceci à l’intérieur d’un « Ordre » dit de « Josué », situé à la proximité immédiate du G.P.D.G. et, ce qui ne manque pas de « sel », si l’on peut dire, et d’être singulièrement paradoxal, de l’Aumônerie nationale et son Grand Aumônier, se revendiquant d’une « bénédiction » (sic), en forme d’unique, et d’assez fragile et limité témoignage d’encouragement de Robert Amadou, à poursuivre la soi-disant nécessaire « opération » de « christianisation » des coëns, qui se révélait être en pratique, et très concrètement, qu’une hasardeuse et improbable tentative d’adaptation, évidemment rendue impossible de par la nature singulièrement « hétérodoxe » des positions théoriques de Martinès, de la doctrine martinésienne avec la « Foi commune » de l’Église. » (Cf. J.-M. Vivenza, Histoire du Régime Ecossais Rectifié des origines à nos jours, op.cit., p. 333).

12 – « Je ne regarde tout ce qui tient à ces voies extérieures que comme les préludes de notre œuvre, car notre être, étant central, doit trouver dans le centre où il est né tous les secours nécessaires à son existence […] cette voie extérieure ne m’a pas autrement séduit, même dans ma plus grande jeunesse ; car c’est à l’âge de vingt-trois ans que l’on m’avait tout ouvert sur cela aussi, au milieu de choses si attrayantes pour d’autres, au milieu des moyens, des formules et des préparatifs de tout genre, auxquels on nous livrait, il m’est arrivé plusieurs fois de dire à notre maître : Comment, maître, il faut tout cela pour prier le bon Dieu ? et la preuve que tout cela n’était que du remplacement, c’est que le maître nous répondait : Il faut bien se contenter de ce que l’on a […] il n’y a que la vertu centrale qui s’étend dans tout l’empire… » (L.-C. de Saint-Martin, Lettre à Nicolas Antoine Kirchberger, 12 juillet 1792, publiée par MM. Schauer et Alp.Chuquet, in Correspondance inédite de Louis-Claude de Saint-Martin, Paris, Dentu, 1862, p. 15).

 

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René Guénon et le Rite Écossais Rectifié

In Christianisme, Franc-maçonnerie, Histoire, Régime Ecossais Rectifié on 12 février 2019 at 22:15

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Entretien avec Jean-Marc Vivenza

À propos de la réédition de :

« René Guénon et le Régime Écossais Rectifié »

 

À l’occasion de la publication de son dernier livre «René Guénon et le Régime Écossais Rectifié » (La Pierre Philosophale, 2019), Jean-Marc Vivenza vient d’accorder un « Entretien », mis en ligne sur le site des éditions « La Pierre Philosophale », que nous jugeons utile de reproduire afin de lui conférer une audience élargie, ceci dans la mesure où la première édition de cet ouvrage en 2007, avait donné lieu à de très nombreuses réactions, notamment de la part des milieux « guénoniens », ou du moins déclarés tels, car en effet, les mises en lumière effectuées par cette étude, révélaient des manquements, pour ne pas dire des carences sérieuses, dans le discours théorique de René Guénon vis-à-vis des questions qu’il avait abordées relatives au Régime Écossais Rectifié, mais pas uniquement, puisque étaient concernés aussi bien la valeur de l’enseignement et les méthodes de Martinès de Pasqually et de son Ordre des Chevaliers Maçons élus coëns de l’Univers, ainsi que les positions de Louis-Claude de Saint-Martin, et sa voie spirituelle originale dite « selon l’interne ». Tous ces sujets, touchant directement à la question de la validité de ces trois courants relevant d’une identique source, que sont les Élus coëns, les Martinistes disciples de Saint-Martin, et enfin les maçons membres du système maçonnique et chevaleresque édifié par Jean-Baptiste Willermoz au XVIIIe siècle.

Frise 1

1. Vous êtes l’auteur d’un « Dictionnaire de René Guénon» [1] et d’une étude sur la « Métaphysique de René Guénon» [2], montrant votre fort intérêt pour l’œuvre de René Guénon, quel est donc le contexte dans lequel fut rédigé, à l’origine, votre étude critique sur les positions de Guénon vis-à-vis du Régime Écossais Rectifié, de Martinès de Pasqually et de Louis-Claude de Saint-Martin, et quels sont les motifs qui vous poussèrent à publier ces analyses pour le moins sévères, qui ne furent pas sans susciter bien des réactions qui perdurent encore ?

La présente étude, proposée aux éditions « La Pierre Philosophale » en une nouvelle publication, largement revue et augmentée, fut à l’origine conçue comme une simple réponse à une situation relativement paradoxale qui s’était durablement installée au sein des structures pratiquant le Rite Écossais Rectifié en France, et dont il m’apparaissait évident qu’elle n’était plus acceptable, ni d’ailleurs fondée en validité.

En cette période antérieure qui date désormais de plusieurs décennies et nous ramène au troisième tiers du siècle dernier, les thèses et analyses de René Guénon (1886-1951), régnaient de façon incontestée et incontestable dans certains milieux traditionnels – en particulier les domaines maçonniques rectifiés placés sous l’influence des ouvrages et de la charge de Grand Prieur exercée par Jean Granger dit « Tourniac » (1919-1995), où de nombreux admirateurs de l’auteur du « Symbolisme de la croix » y étaient alors légions -, milieux où le corpus théorique guénonien était parvenu en beaucoup « d’Orients » à s’imposer en tant que boussole unique, invariante et infaillible de la vie initiatique.

La situation avait atteint de telles invraisemblables proportions, que dans les ateliers pratiquant le système établi par Jean-Baptiste Willermoz (1730-1824) lors du Convent des Gaules réuni à Lyon en 1778, les travaux ne portaient, de façon quasi exclusive, que sur les thématiques relatives aux grands sujets tirés des ouvrages de Guénon (symbolisme universel, unité transcendante des traditions, etc.), avec une forte propension à l’admiration pour les courants spirituels orientaux vers lesquels il nous était suggéré de nous tourner derechef au motif de bénéficier, et s’instruire, de « méthodes » invocatoires ou méditatives que nous aurions « perdues » en Occident, ce à quoi se rajoutait, ceci de manière beaucoup plus problématique, en une situation qui finissait par atteindre un état de réelle schizophrénie, une forte tendance à critiquer directement le Rite Rectifié, dénonçant avec la force que donne la certitude d’une dogmatique intangible, les prétendues « erreurs », « égarements », « illusions », et autres qualificatifs dépréciatifs, de ceux qui, au XVIIIe siècle, avaient pourtant porté sur les fonds baptismaux les éléments qui formaient la base de l’édifice doctrinal et théosophique du système willermozien.

Anecdote frappante s’il en est, bien qu’étant encore assez jeune en ces questions mais néanmoins ayant réagi en exprimant notre vive surprise face à cette initiative, certains membres du Régime, et non des moindres en autorité, faisaient circuler à cette époque dans les ateliers et les parvis, une « pétition » (sic), afin de revenir sur la décision prise par Jean-Baptiste Willermoz en 1785 visant à écarter « Tublacaïn » des rituels de l’Ordre, au profit de « Phaleg », encourageant ainsi chacun, et peu importait son « âge » initiatique, à apposer sa signature au bas d’un document que l’on souhaitait remettre officiellement aux membres du Conseil Général de l’Ordre, afin que la proposition fût examinée lors d’un prochain Convent [3].

En conséquence, eu égard aux réactions disproportionnées qu’avait suscité une timide désapprobation vis-à-vis de la « pétition » évoquée, et de la formulation, fort discrète au demeurant, de quelques remarques interrogatives sur les éventuelles inexactitudes commises par René Guénon dans son approche du Régime Rectifié, il me sembla ensuite que les temps étaient venus, nécessairement, de rédiger une sorte de « mise au point » précise afin de permettre un changement d’optique salvateur dans le rapport à l’héritage initiatique transmis par l’intermédiaire de Jean-Baptiste Willermoz jusqu’à nous.

Cette brève « mise au point », commença son existence sous forme de copies artisanales puisque nous étions encore assez éloignés des possibilités de diffusion offertes par le monde virtuel, puis peu à peu gagna en épaisseur au fil des saisons, jusqu’à atteindre la dimension respectable d’une petite brochure, qui suscita des débats enflammés au point de générer d’authentiques ruptures brutales entre farouches partisans de l’infaillibilité guénonienne, et le modeste nombre de ceux qui considéraient qu’une mise en lumière des limites identifiées et constatées chez Guénon lorsqu’il aborda la nature et les fondements du Régime Rectifié, était une œuvre essentielle si l’on voulait pouvoir poursuivre un cheminement cohérent en fidélité avec les enseignements de la Réforme de Lyon.

Certes, le style de l’étude s’apparentait, du moins à première vue puisque les thèmes ouvraient cependant sur des perspectives absolument fondamentales, à celui du discours pamphlétaire, ceci afin de provoquer un « réveil » indispensable, style que nous ne regrettons pas et que nous avons d’ailleurs maintenu sans changement notable pour cette réédition en 2019, considérant qu’il conserve toujours, malgré les années écoulées, son rôle « pédagogique ».

Chose assez amusante à ce propos, alors que Guénon ne s’était jamais privé d’utiliser une langue plutôt aiguisée, parfois exagérément mordante et très souvent extrêmement rude et vexatoire à l’endroit de ceux qui étaient l’objet de ses critiques, auteurs innombrables flétris sous des guirlandes d’épithètes moqueurs et ironiques, le reproche principal qui nous fut fait, était d’avoir été trop sévère envers lui en usant d’une terminologie qui « choquait » les oreilles sensibles habituées aux louanges et aux odes prononcées à la gloire de celui, que l’on n’hésitait pas à qualifier en certains cénacles qui se réunissaient et agissaient à la périphérie immédiate des ateliers du Régime Rectifié, de « témoin de la connaissance sacrée qui revivifia pour nous la Parole des Maîtres en ces temps d’obscurité et d’occultation » (sic !).

*

Ceci étant posé, nos critiques n’impliquent strictement, nous tenons à le préciser avec insistance, aucune minoration de notre part, bien au contraire, vis-à-vis de l’immense valeur des travaux portant sur la métaphysique effectués par René Guénon, la métaphysique dite « intégrale » qu’il exposa est exceptionnelle à bien des égards, les points principaux de cette métaphysique participant de la doctrine de l’Infini et de la connaissance de la « Possibilité universelle » incluant l’Être et le Non-Être, et étant, contrairement à ce qui est parfois affirmé, totalement indépendants des thèses relatives à la « Tradition primordiale », au « Roi du monde » ou ses vues erronées sur l’ésotérisme occidental, l’illuminisme et la mystique chrétienne, et peuvent parfaitement, voire, nous n’hésitons pas à le soutenir, doivent être, étudiés, approfondis et même « pratiqués », en étant entièrement détachés des diverses conceptions professées par l’auteur des « Principes du calcul infinitésimal ». Il s’agit de deux domaines distincts, différents, qui n’interviennent en rien l’un sur l’autre, et participent de deux dimensions qui peuvent même être regardées comme dissemblables n’ayant aucune sorte d’interférence quelconque entre elles. On sait d’ailleurs aujourd’hui, que René Guénon, à une période où il ne soutenait pas encore les thèses qui le rendirent ensuite célèbre, fut amené vers une l’étude de la notion d’Infini qui devint le point central de sa métaphysique, à partir de la découverte des réflexions de Gottfried Wilhelm Leibniz (1646-1716), ceci étant confirmé par les échanges qu’il eut avec Albert Leclère (1867-1920) –  spécialiste des présocratiques s’étant penché sur les liens entre la religion et l’ontologie -, qui fut son professeur de philosophie en 1903 au collège Augustin-Thierry à Blois, montrant bien le caractère hétérogène des sujets [4].

2. Quelles sont les principales erreurs de René Guénon, ayant justifié la rédaction de votre livre en « dénonciation » ? Et vous attendiez-vous à des réactions aussi passionnelles, et parfois virulentes, des milieux guénoniens à votre égard, suite à la publication des vos analyses en 2007 ?

La « dévotion » envers René Guénon, notamment dans les pays francophones, demeure encore très importante, bien qu’étant bien moindre qu’il y a quelques décennies, cette « dévotion » excessive et souvent aveugle, étant entretenue en particulier dans quelques cercles marginaux isolés, et surtout très divisés et hostiles entre eux, qui se sont autoproclamés légataires universels et « gardiens » de la doxa guénonienne, dont l’existence se résume principalement, ce qui n’est pas la moindre des incohérences, à une hyperactivité généralement pseudonyme sur la toile mondiale, visant à dénoncer « ennemis », « traitres » et « corrupteurs » à leurs yeux de l’héritage traditionnel.

Cependant comme notre jugement ne porte que sur certaines des erreurs théoriques de Guénon, en ne participant d’aucune antipathie, bien au contraire, envers l’homme et son action, nous ne prêtons conséquemment aucune attention aux aussi vaines que stériles polémiques qui ont accompagné la publication de nos travaux, ainsi qu’aux besogneux articles rédigés par les divers médiocres écolâtres de la cause prétendument « guénonienne », toutes tendances confondues, considérant, à l’identique de celui dont se réclament ces indigents perroquets, que « nous n’avons ni le temps ni le goût de répondre […] à de vaines discutailleries […]; le terrain sur lequel nous nous plaçons est tout autre, et nous n’avons pas de concessions à faire aux points de vue ‘‘profanes’[5]» ; ayant par ailleurs fait nôtre cette remarque en forme de sentence : « Nous n’acceptons jamais aucune polémique, ne nous reconnaissant pas le droit de quitter notre terrain pour nous placer sur celui de l’adversaire [6]. »

Il nous est apparu en conséquence face à la situation décrite en préambule, que le devoir « d’inventaire » s’imposait si l’on peut dire, devant la réitération des discours mécaniques et stéréotypés, que des répétiteurs inintelligents déclamaient de façon régulière lorsqu’était abordé le sujet de l’ésotérisme occidental, et plus précisément, dès que l’on évoquait les trois figures principales qui participèrent au XVIIIe siècle en France du courant illuministe, à savoir : Martinès de Pasqually (+ 1774), Jean-Baptiste Willermoz et Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803).

Cinq motifs principaux nous sont en conséquence apparus devoir faire l’objet d’un redressement théorique :

  • 1°) René Guénon refuse d’admettre que le Régime Écossais Rectifié est une métamorphose des Élus Coëns, et non pas une simple dérivation de la Stricte Observance.
  • 2°) René Guénon s’est trompé sur l’architecture organisationnelle du Régime Écossais Rectifié.
  • 3°) René Guénon déprécia les « opérations » des Élus Coëns, soutenant qu’il s’agissait de rituels de “magie cérémonielle”, basés sur des pratiques théurgiques ; considérant par ailleurs que ce que Martinès appelait « réintégration » n’était que la restauration de « l’état primordial », lequel ne va pas au-delà des possibilités de l’être humain individuel.
  • 4°) René Guénon ne voit pas en quoi, lorsque Jean-Baptiste Willermoz écarta « Tubalcaïn » des rituels du Régime Rectifié, il mit en fait en cohérence la nature de l’Ordre avec le « Haut et Saint Ordre » des élus de l’Éternel.
  • 5°) René Guénon affirme de façon inexacte, que Louis-Claude de Saint-Martin, s’est enfermé dans le domaine du mysticisme, et par là-même s’est mis à distance de la voie initiatique, jugeant de manière absurde, que le« mysticisme relève exclusivement du domaine religieux, c’est-à-dire exotérique »

Et lorsque sont examinés attentivement ces points, une évidence apparaît et s’impose assez rapidement, évidence qui aboutit, objectivement – en mettant de côté un attachement d’ordre secondaire et « sentimental » à l’égard de l’auteur du Symbolisme de la croix -, à un constat difficilement contestable, c’est que René Guénon parla de « l’extérieur », et s’exprima sur des sujets qu’il méconnaissait faute d’avoir pu accéder, tant aux travaux des ateliers du Régime Rectifié qu’à ses différentes sources dans leur majorité inexploitées à l’époque, proposant en conséquence, hélas ! en toute logique, un discours entièrement décalé et singulièrement erroné, quant à la substance du  Régime Écossais Rectifié, système issu sur le plan initiatique de l’Ordre des Chevaliers Maçons Élus Coëns de l’Univers et de ses enseignements, énonçant des inexactitudes patentes sur les formes organisationnelles du Régime édifié par Willermoz, ainsi que des jugements approximatifs sur la nature des connaissances et la transmission de Martinès de Pasqually, et enfin, pour couronner le tout, des considérations sévèrement dépréciatives à l’encontre de la « voie selon l’interne » préconisée par Louis-Claude de Saint-Martin.

Tout ce discours critique, René Guénon le soutiendra parfois contre les évidences elles-mêmes, et se refusa toujours de le corriger, au motif du refus d’avouer le caractère lacunaire de sa science en ces domaines résultant d’une conception limitée de l’initiation, aboutissant à une obstination coupable dans l’erreur que rien ne permet plus de justifier et de continuer à cautionner, sauf un entêtement reproduit de façon mécanique et qu’il faut bien qualifier de particulièrement « stupide », par des prétendus « disciples », qui n’ont même pas pour leur défense les excuses que l’on peut accorder à leur « maître » regardé à leurs yeux comme « infaillible », entêtement qui confine chez certains incontinents polygraphes avec la bêtise crasse et la reproduction mécanique et satisfaite de profondes âneries leur servant apparemment « d’habit à leurs rêveries », et qui relève, concrètement, de la célèbre sentence :  « Errare humanum est, perseverare diabolicum ».

Cette attitude inexplicable et injustifiable, motivée par d’obscurs « sentiments » et de bien inexactes raisons, obligeait donc à ce que soit enfin entrepris un travail de clarification et d’explication de ce qui conduisit à la fois Guénon, mais également ceux se réclamant aujourd’hui de son œuvre, à considérer que la doctrine de Martinès de Pasqually, la perspective théosophique du Philosophe Inconnu et la rectification élaborée par Jean-Baptiste Willermoz, étaient toutes trois entachées d’un vice rédhibitoire les disqualifiant et les excluant catégoriquement, d’après l’expression choisie, des sphères réservées de la véritable « Tradition », alors même que c’est au contraire ce courant spécifique au sein de l’ésotérisme chrétien – dont participèrent les Élus Coëns, le cercles des intimes de Louis-Claude de Saint-Martin et l’Ordre des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte -, qui est seul autorisé, selon bien évidemment les critères de la « Révélation », unique source de vérité et de crédibilité dans le cadre de « l’ésotérisme chrétien », à revendiquer une authenticité et un attachement indéfectible à l’égard de l’authentique « Tradition » fondée et appuyée, non pas sur les restes composites de l’héritage post diluvien et babélien, mais sur les enseignements reçus et délivrés au cours des siècles par les Patriarches, les Justes et les Prophètes, rappelés et remise en lumière par celui que le Philosophe Inconnu désigne sous le nom de Divin Réparateur. Cet ésotérisme, en effet « chrétien », dans la mesure où il se fonde sur le texte de la « Révélation », s’affirme donc comme détenteur des clés permettant d’accéder à la substance essentielle de la « science sacrée », et, à cet égard, est dépositaire des connaissances supérieures seules aptes à permettre à l’âme de parvenir aux régions invisible dans lesquelles se situe l’informulable « Présence ».

3. Quelles sont les caractéristiques et les particularités de cet « ésotérisme chrétien » dont témoignent Martinès, Willermoz et Saint-Martin selon vous ?

La singularité de l’ésotérisme chrétien, notamment dans les formes qu’il prit au sein des courants de l’illuminisme en Europe au XVIIIe siècle, provient du fait qu’il considère qu’une part secrète de la « Révélation » a été réservée pour certaines âmes choisies, cette part n’ayant pas été entièrement intégrée à l’intérieur de l’institution ecclésiale [7], Jean-Baptiste Willermoz considérant d’ailleurs que depuis le VIe siècle, l’Église a oublié une part non négligeable de l’enseignement dont furent dépositaires les chrétiens des premiers siècles, perte qui touche et concerne l’ensemble des confessions chrétiennes, d’Orient comme d’Occident, qui ont adopté les décisions dogmatiques des sept premiers conciles – et non en particulier l’une d’entre elles, car toutes souscrivent aux positions définies par le deuxième concile de Constantinople (553), et notamment les anathèmes prononcés contre les thèses d’Origène, portant sur la préexistence des âmes, l’état angélique d’Adam avant la prévarication, l’incorporisation d’Adam et sa postérité dans une forme de matière dégradée et impure en conséquence du péché originel, et la dissolution finale des corps et du monde matériel -, qui conservent toute leur force d’application sur le plan théologique et dogmatique [8].

L’idée de ces théosophes, combattue par l’Église, tous issus du courant illuministe, relève d’une intuition principale : l’origine des choses, le principe en son essence, n’est pas une réalité positive mais négative, de ce fait l’enseignement ésotérique considère qu’une « tradition » a été conservée, et qu’il est possible de la retrouver soit par l’effet d’une « illumination intérieure », soit grâce à des transmissions cérémonielles et rituelles.

Par ailleurs, leur conviction commune, était que le christianisme fut avant tout, et demeure, une authentique initiation. Ce discours se répandit auprès de nombreux esprits, et beaucoup adhérèrent à cette conception qui devint une sorte de vision commune pour tous ceux qui aspiraient à une compréhension plus intérieure, plus subtile, de vérités que l’Église imposait par autorité, voire qu’elle avait tout simplement oubliées [9].

C’est ce que soutiendra positivement Jean-Baptiste Willermoz, en des termes extrêmement clairs : « Malheureux sont ceux qui ignorent que les connaissances parfaites nous furent apportées par la Loi spirituelle du christianisme, qui fut une initiation aussi mystérieuse que celle qui l’avait précédée : c’est dans celle-là que se trouve la Science universelle. Cette Loi dévoila de nouveaux mys­tères dans l’homme et dans la nature, elle devint le complé­ment de la science [10]

La voie initiatique occidentale issue de l’illuminisme mystique, participe donc d’une tradition, se revendiquant de la  « Discipline de l’Arcane » [11], où sont perceptibles les fondements d’une métaphysique relativement originale – qui n’a rien à envier aux affirmations les plus avancées des penseurs de la vacuité ontologique et du non-dualisme radical -, et dont la mise en œuvre fut l’unique possibilité d’accéder en Europe à la connaissance de ce « Néant éternel » qui s’éprouve originellement dans un « désir », une faim de quelque chose, une aspiration à un autre que lui-même que manifeste sa volonté, son «Fiat », désir qui constitue un mouvement intensément dialectique, une action au sein de l’immobilité infinie, faisant passer la Divinité du déterminé à l’indéterminé, produisant en elle de l’obscurité et de l’ombre et qui, pourtant, ne sont point totalement ténébreuses et obscures car ce « désir », cette soif, sont emplies d’une lumière quoique « en négatif », et bien que demeurant, pour l’entendement immédiat et la vision superficielle qui en restent à une vision première, une pure et totale nuit ontologique relevant du « Soleil noir de l’Esprit » [12].

4. Mais pourquoi alors, René Guénon semble s’être montré quasi indifférent à cette dimension proprement « ésotérique » présente au sein du christianisme, affirmant même que l’ensemble des connaissances sacrées étaient situées en Orient, et que l’Occident avait perdu son lien avec les sources effectives de l’authentique « Tradition » ?

Le problème de Guénon il est vrai, car problème il y a, c’est que sur divers sujets – en particulier ce qui relève de l’ésotérisme occidental et de la nature du christianisme -, Guénon s’est lourdement trompé, et a commis des erreurs notables, patentes et relativement importantes. Cela n’enlève rien à la valeur de ses contributions en d’autres domaines bien évidemment, mais n’autorise pas pour autant à s’aveugler volontairement sur les limites de son œuvre théorique et de ses analyses historiques qu’il convient de repositionner correctement, de sorte d’éviter de tomber dans des impasses catégoriques.

À cet égard, la profonde méconnaissance de Guénon à l’égard des richesses de l’ésotérisme occidental, alors qu’il ignorait l’allemand et ne s’intéressa jamais aux principaux auteurs de langue germanique, explique peut-être sa conviction s’agissant de la nécessité de s’ouvrir aux « lumières de l’Orient » qu’il identifiait avec l’image qu’il se faisait de la « tradition ésotérique », négligeant, faute des les avoir étudié et approfondi sérieusement, les fondements propres du vénérable héritage théosophique d’Occident passablement écarté de sa réflexion. L’aboutissement de cette ignorance chez Guénon à l’égard des sources, notamment germaniques, de l’ésotérisme occidental, est connu – celle-ci se doublant de la non reconnaissance de la valeur propre des « lumières » originales du christianisme -, soit l’impérative nécessité de s’ouvrir aux enseignements orientaux afin d’accéder aux méthodes capables de nous conférer les « outils de réalisation » dont nous serions dépourvus, ce qui l’amena logiquement à déclarer en 1935 : « L’islam est le seul moyen d’accéder aujourd’hui, pour des Européens, à l’initiation effective (et non plus virtuelle), puisque la Maçonnerie ne possède plus d’enseignement ni de méthode  [13]

C’est pourquoi, on pourrait, sans exagération aucune, parler d’ésotérisme « fantasmatique » chez Guénon tant ses conceptions participent d’une vision relativement imaginée de l’Histoire, et d’une singulière idéalisation de « l’Orient » [14]. Ainsi, en permanence sous sa plume, nous sommes renvoyés à des pactes, des complots, des décisions cachées, des pouvoirs effectifs inconnus de tous, des cénacles dirigeant le cours des choses et maîtrisant le destin des civilisations, se référant inlassablement à une grille d’analyse faisant intervenir une histoire secrète parallèle à l’Histoire visible qui ne serait qu’une sorte de premier plan superficiel sous lequel travailleraient, dans l’ombre évidemment, les initiés mystérieux, les fameux « Rose-Croix retirés en Asie après le Traité de Westphalie en 1548 », possédant le pouvoir véritable sur le monde loin des regards indiscrets.

À longueur de page, Guénon insiste sur le caractère non-connu de l’authentique vérité historique et nous entraîne dans des développements parfois délirants où il nous explique, avec un enthousiasme certain mais une efficacité contrastée, comment les événements obéissent à des lois et des jugements pris en « haut lieu », loin de la foule ignorante. Ainsi nous apprenons que dans les coulisses du temps, et ce depuis quasiment les origines, œuvrent  des initiés en possession de la connaissance des mystères, guidant de manière invisible les « prétendus » dirigeants de la planète afin de les engager dans les « voies » préparées depuis longtemps par les maîtres de « l’Agartha » qui veillent sur les dépôt de la « Tradition primordiale » [15].

Il serait facile de multiplier les exemples de ce type de discours présent dans l’œuvre guénonienne, cherchant à nous convaincre de la véracité des thèses exposées [16].

Mais la source, peut-être la plus tenace des positions de Guénon, par-delà sa méconnaissance du domaine théosophique européen, a pour origine  une influence problématique subie dans ses années de formation, qui lui fit tenir des discours ahurissants au sujet du christianisme, et surtout l’empêcha d’accéder à la connaissance des richesses propres de son mysticisme regardé comme du « sentimentalisme passif ».

Cette influence provient de celui qu’il qualifiait de « notre Maître » (sic) [17], c’est-à-dire Albert de Pouvourville (1861-1939), dit  « Matgioi », Tau Simon en tant qu’évêque gnostique, versé dans l’ésotérisme taoïste, qui soutenait la thèse d’une « dégénérescence » sentimentale du christianisme, devenu une religion consolante au prétexte qu’ « aimer Dieu est un non-sens », la direction éditoriale de la revue « La Gnose », baptisée « Organe officiel de l’Église gnostique universelle », présentant le premier article publié par Matgioi en 1910 en ces termes : «  La Métaphysique jaune rejette toute intervention du sentiment dans la Doctrine, et proclame l’inanité des dogmes consolants et des religions à forme sentimentale [18]

Et ce que cache l’affirmation absolument invraisemblable, et insoutenable à bien des égards, de Guénon : « le mysticisme proprement dit est quelque chose d’exclusivement occidental et, au fond, de spécifiquement chrétien [19]» – point qui n’a été que très rarement mis en lumière -, c’est en réalité un soubassement apriorique à l’encontre du christianisme provenant directement des thèses de Matgioi, qui confine parfois en certains textes jusqu’au rejet pur et simple, en raison d’une opinion dépréciative résultant de cette influence qui devint ensuite une empreinte durable, et dont Guénon ne parvint jamais à se défaire.

Et voilà comment René Guénon a grandement et singulièrement erré sur des sujets pourtant cruciaux et fondamentaux, puisque touchant à l’essence même de l’ésotérisme chrétien, erreurs profondes signe d’une carence théorique et doctrinale rendant inacceptables ses principales thèses lorsqu’il exprima un jugement à l’égard du Régime Écossais Rectifié, des Élus Coëns ou de la théosophie de Louis-Claude de Saint-Martin.

C’est donc toute la doxa guénonienne qui est frappée d’illégitimité de par son incapacité à appréhender – faute de posséder les outils adéquats -, les lumières propres de l’initiation chrétienne, et qui, ne voyant rien en elle, et pour cause, juge de façon brutale et péremptoire que, « à bien des égards », on n’y trouve rien d’essentiel. Or, c’est bien plutôt Guénon, malheureusement, par une rupture et une fermeture inexplicables vis-à-vis de la tradition occidentale, qui s’est rendu incapable de pénétrer au cœur de l’ésotérisme chrétien, n’étant jamais parvenu à en saisir la substance véritable, refusant de se donner la peine d’en comprendre la perspective spirituelle, restant dans une ignorance coupable et stupéfiante des plus grands textes de cette tradition [20], regardant un cheminement dont il s’était tragiquement et volontairement coupé, avec une abyssale incompétence qui ne pouvait que le conduire à soutenir des thèses totalement inexactes, en absolue contradiction avec la réalité des faits les plus avérés et les plus assurés.

Que René Guénon, encore possesseur d’une « aura » de science et de connaissance pour un grand nombre d’érudits ou d’initiés, se soit à ce point trompé en ces matières est déjà lourd de conséquences pour la juste compréhension des enjeux initiatiques, mais que l’on puisse encore de nos jours, pour de nombreux et méritants disciples actuels de Jean-Baptiste Willermoz, en rester à ces erreurs manifestes et leur conférer une quelconque autorité, nous semble donc relever d’un aveuglement inexplicable et injustifiable, alors même qu’il importe, pour tout les « cherchants » habités par une droite et sincère intention, de parvenir à pénétrer au centre des circonférences que la Divine Providence leur a permis de découvrir en les plaçant au sein du Régime Rectifié ou dans les assemblées saint-martinistes, d’en comprendre le sens effectif et la valeur précise, de manière à ce qu’ils se rendent aptes d’allumer correctement, c’est-à-dire en ayant conscience de participer à une « opération » bénie de réconciliation, les diverses lumières d’Ordre, de sorte que, par leurs efforts répétés et continus, soit enfin relever l’autel d’or du Temple invisible.

Notes. 

[1] Dictionnaire de René Guénon, Le Mercure Dauphinois, 2002.

[2] La Métaphysique de René Guénon, Le Mercure Dauphinois, 2005.

[3] Le nom de « Tubalcaïn » en 1785, en raison des révélations de « l’Agent Inconnu », a été éliminé des rituels du Régime et remplacé par celui de « Phaleg », lors de la tenue du Directoire Provincial d’Auvergne à Lyon, le 5 mars 1785.

[4] « Il ne fait aucun doute que René Guénon aura eu une intuition de l’infini très jeune. On retrouve en effet cette compréhension de l’Absolu, claire et concise chez lui, dès ses premiers écrits de jeunesse, ainsi que dans ses toutes premières publications dans des revues diverses, alors qu’il côtoyait les milieux occultistes parisiens avant la Première Guerre mondiale. C’est d’ailleurs ce sujet de l’Infini qui semble aussi avoir guidé ses choix d’étudiant quelques années plus tard, alors qu’il se destinait à devenir professeur de philosophie. On sait que René Guénon devint bachelier ès lettres option philosophie en 1903, à l’âge de seize ans et demi, sous la tutelle de son professeur de philosophie Albert Leclère (1863-1920), docteur ès lettres, dont il reprendra d’ailleurs un temps la chaire au collège Augustin-Thierry de Blois en 1918-1919, à son retour d’Algérie. On sait d’après des témoignages directs que Guénon fut fortement influencé par Albert Leclère, surnommé «l’excellent» par ses élèves. Il est d’ailleurs important de remarquer que les ouvrages de ce professeur, publiés entre 1900 et 1913, contiennent une grande quantité de sujets qui furent aussi abordés par Guénon dans son œuvre, en particulier ceux de la métaphysique pure, de la critique du monde moderne ou du système de pensée occidental, entre autres. En particulier, le chapitre « La science de l’irréel » du livre de Leclère intitulé « Essai critique sur le droit d’affirmer » (1901) traite en détail du concept d’inséparabilité de l’espace et du temps. Contrairement aux représentations mathématiques utilisées pour les modéliser, ainsi que des principes du calcul infinitésimal, identifiant d’ailleurs l’indifinité à l’infini mathématique, et présentant l’argument de Zénon (p. 126), sur l’impossibilité pratique de diviser l’espace indéfiniment, éléments repris par Guénon plus tard dans son propre ouvrage sur le calcul infinitésimal. On citera à cet effet ce passage significatif sur Gottfried Wilhelm Leibnitz (1646-1716) et la métaphysique, car une critique semblable sera utilisée par Guénon lorsqu’il parlera de l’aspect historique du calcul infinitésimal : ‘‘[Leibnitz] juxtaposa une science symbolique, le calcul infinitésimal qu’il créa, à une science réelle, spécifiquement différente de celle-ci, à savoir le calcul infinitésimal tel qu’il existe dans l’entendement divin, et auquel ne peut s’élever l’esprit de l’homme : il juxtaposa, à la monadologie qui est la vérité métaphysique absolue selon lui, la vérité scientifique, et à celle-ci la connaissance sensible qu’il ne condamna pas plus que l’autre : il admit des degrés dans la vérité des vérités hétérogènes, ce que jamais n’auraient admis les Scolastiques, qui entendaient entasser vérités absolues sur vérités absolues’’ (Albert Leclère, Essai critique sur le droit d’affirmer,  Éd. Félix Alcan, 1901, ch. IV, p. 203).» (Cf. « René Guénon une intuition de l’Infini », Annexe, in R. Guénon, Les Principes du calcul infinitésimal, N.R.F., Gallimard, 2016, pp. 178-179).

[5] R. Guénon, Le Voile d’Isis, mai 1932.

[6] R. Guénon, Le Voile d’Isis, juin 1931.

[7] Lors de la publication de son livre, certes remarquable à bien des égards, nous avons signalé en quoi la position de Jean Borella, qui refuse l’idée d’un ésotérisme chrétien extérieur à l’Église, était problématique. (Cf. J.-M. Vivenza, Analyse de « Ésotérisme guénonien et mystère chrétien » de Jean Borella, (Delphica / L’Âge d’Homme, Paris, 1997), in Connaissance des religions, n° 55-56, juillet-décembre 1998, pp. 165-168).

[8] Cette allusion à la perte par l’Église de vérités connues jusqu’au VIe siècle, puis oubliées et même combattues par les clercs, se retrouve dans de nombreuses fois chez Willermoz, notamment dans le « Traité des deux natures », rédigé tardivement, entre 1806 et 1818. (J.-B. Willermoz, Traité des deux natures, 1818, B.M. de Lyon, Fonds Willermoz, ms 5940 n° 5.)

[9] « Oui il y a un corps de doctrine purement ésotérique à l’intérieur du christianisme, c’est certain car il y a eu un énoncé de la bouche même du Christ. Le christianisme n’est pas seulement cette doctrine à coloration sentimentale, destinée à convertir le plus grand nombre d’êtres, mais aussi il renferme en soi, ou du moins il a renfermé en soi à l’origine, tout un énoncé de Connaissance auquel nous n’avons plus accès à l’heure actuelle et qui est tout à fait comparable aux énoncés ésotériques des autres religions ou traditions. Car Dieu lorsqu’il se manifeste, le fait toujours sous les deux aspects ; Il parle aux foules et il donne aussi accès à qui peut l’entendre, aux mystères qui président à la création. » (Cf. Y. Le Cadre, Frère Élie Lemoine et René Guénon, in Il y a cinquante ans René Guénon, Éditions Traditionnelles, 2001, p. 166).

[10] Instruction pour les Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte, 1784, Bibliothèque Municipale de Lyon, Fonds Willermoz, MS 5921.

[11] Le terme « Discipline de l’Arcane » provient, non du vocabulaire de l’Église antique, mais semble avoir été introduit dans la littérature théologique au XVIIème siècle par Jean Daillé (1594-1670), théologien réformé, puis trouva, sous la plume de Fénelon (1651-1715), qui désigne du nom de « tradition secrète des mystiques » ce à quoi correspond cette « disciplina arcani », ou « gnose », un ardent avocat. Dans le manuscrit intitulé « Le Gnostique de saint Clément d’Alexandrie » (1694) – manuscrit inédit conservé aux Archives de Saint-Sulpice, puis publié pour la première fois, précédé d’une longue introduction, par le R.P. Paul Dudon, s.j., (1859-1941) en 1930 dans la collection des « Études de Théologie Historique » (Paris, Gabriel Beauchesne éditeur) -, Fénelon soutient que le Père grec, canonisé par l’Église (150-215), affirme que « la gnose est fondée sur une tradition secrète », ancienne et authentique qui provient des premiers siècles du christianisme.

[12] « Le Néant a faim du Quelque Chose et la faim est le désir, sous forme du premier « Verbum fiat » ou du premier faire, car le désir n’a rien qu’il puisse faire ou saisir. Il ne fait que se saisir lui-même et se donner à lui-même son empreinte, je veux dire qu’il se coagule, s’éduque en lui-même, et se saisit et passe de l’Indéterminé au Déterminé et projette sur lui-même l’attraction magnétique afin que le Néant se remplisse et pourtant il ne fait que rester le Néant et en fait de propriété n’a que les ténèbres; c’est l’éternelle origine des ténèbres : Car là où il existe une qualité il y a déjà quelque chose et le Quelque Chose n’est pas comme le Néant. Il produit de l’obscurité, à moins d’être rempli de quelque chose d’autre (comme d’un éclat) car alors il devient de la lumière. Et pourtant en tant que propriété il reste une obscurité. » (J. Böhme, Mysterium Magnum, III, 5, trad. N. Berdiaeff, Paris, Aubier Éditions Montaigne, 1945, t. I, p. 63).

[13] R. Guénon, Propos à Jean Reyor, in P. Feydel, Aperçus historiques touchant à la fonction de René Guénon, Arché, 2003, p. 155.

[14] Lorsqu’on se penche sur certains extraits de ses ouvrages, cette idéalisation quasi « naïve » de l’Orient, apparaît de façon évidente ; l’exemple du peuple chinois, dont on a pu apprécier depuis les vertus « pacifiques », notamment au Tibet, est assez éloquent : « Les Chinois sont le peuple le plus profondément pacifique qui existe ; nous disons pacifique et non « pacifiste », car ils n’éprouvent point le besoin de faire là-dessus de grandiloquentes théories humanitaires : la guerre répugne à leur tempérament, et voilà tout. Si c’est là une faiblesse en un certain sens relatif, il y a, dans la nature même de la race chinoise, une force d’un autre ordre qui en compense les effets, et dont la conscience contribue sans doute à rendre possible cet état d’esprit pacifique… » (R. Guénon, Orient et Occident, 1924, 1ère Partie, Ch. IV, « Terreurs chimériques et dangers réels »).

[15] Lire sur le sujet : J.-M. Vivenza, René Guénon et la Tradition primordiale, La Pierre Philosophale, 2017.

[16] Cf. L’Ésotérisme de Dante, le Roi du Monde, Le Règne de la quantité et les signes des temps, Aperçus sur l’initiation, etc.

[17] R. Guénon [« Palingénius »], La Religion et les religions, La Gnose, n°10, septembre-octobre 1910.

[18] Matgioi, L’erreur métaphysique des religions à forme sentimentale, La Gnose, n°9, juillet-août 1910.

[19] R. Guénon, Aperçus sur l’initiation, op.cit.

[20] Lorsque l’on songe qu’il se refusa toujours à lire sérieusement les rhénans (Suso, Tauler, Eckhart, etc.), ainsi que les principaux mystiques et docteurs de l’Église dont il n’avait qu’une connaissance superficielle, on s’explique beaucoup mieux certaines prises de positions assurément bien étonnantes.

 

Image Livre

René Guénon

et le

Régime Écossais Rectifié

La Pierre Philosophale, 2019, 330 pages.

Le Régime Écossais Rectifié de son «Réveil» à sa «Refondation» historique !

In Codes de 1778, Convent des Gaules, Franc-maçonnerie, Histoire, Jean-Baptiste Willermoz, Ordre, Réforme de Lyon, Régime Ecossais Rectifié on 25 mars 2015 at 19:14

DNRF-GDDG -

Le Régime écossais rectifié poursuit son œuvre au service de l’Ordre,

afin de veiller sur « son essence primitive et fondamentale

qui se perd dans la nuit des siècles … »

En mars 1935, Camille Savoire (1869-1951) décidait, en démissionnant du Grand Orient de France dont il était depuis 1923 le Grand Commandeur du Collège des Rites, de réveiller le Régime Ecossais Rectifié en France, en s’appuyant sur le Grand Prieuré Indépendant d’Helvétie, à l’époque unique détenteur de l’héritage de Jean-Baptiste Willermoz (1730-1824).

Ainsi donc, ce mois de mars 2015, comme il a été signalé par divers articles et la réédition historique du livre de Camille Savoire : « Regards sur les Temples de la Franc-maçonnerie » publié en 1935, représente le 80ème Anniversaire du « Réveil » en France, du système maçonnique et chevaleresque fondé au XVIIIe siècle lors du Convent des Gaules (1778).

a) Raison de la célébration d’un Anniversaire

Cette date est importante à plusieurs titres, faisant qu’elle mérite d’être célébrée en y insistant tout particulièrement.

En effet, si la volonté de « réveiller » le Régime Ecossais Rectifié, participait pour Camille Savoire, d’un souhait de faire revenir en France le système conçu par Jean-Baptiste Willermoz, il était accompagné d’une volonté de vivre l’initiation willermozienne en toute liberté, et pour ce faire d’extraire ce système de l’emprise et de la domination des Obédiences. [1]

C’est sur cette base, et non une autre, que fut constitué le « Grand Directoire des Gaules » en mars 1935, et c’est donc l’Anniversaire d’un accès à la liberté que nous célébrons à présent en mars 2015.

Force est cependant de constater, que l’ambitieux projet de Camille Savoire en 1935, va très vite se heurter à l’hostilité générale d’un monde maçonnique obédientiel jaloux de ses prérogatives, désireux de conserver sa mainmise sur le Régime Ecossais Rectifié pour mieux en instrumentaliser la pratique selon des objectifs (politiques, sociétaux, idéologiques et dogmatiques), qui étaient, et demeurent, totalement étrangers à l’Ordre.

b) L’éclipse du projet de Camille Savoire à partir de 1946

Lorsque le « Grand Directoire des Gaules » fut mis en sommeil en septembre 1939, lors de la déclaration de guerre, Camille Savoire n’imaginait sans doute pas que cela allait correspondre à une « éclipse » de plus de soixante dix ans de l’instance pour laquelle il avait tant lutté, œuvré et travaillé.

Car en effet, lorsque déclarant légalement reconstitué en Préfecture de Nanterre en décembre 1946, le « Grand Prieuré des Gaules » (G.P.D.G.), Camille Savoire ne faisait pas disparaître par ce nouveau nom – ne figurant pas sur la Charte-Patente délivrée par le G.P.I.H. en 1935 – uniquement la dénomination historique du « Réveil » (« Grand Directoire des Gaules »), il ouvrait, en l’ignorant, une longue période pendant laquelle, peu à peu, l’éloignement progressif des critères qui avaient présidé au retour du Régime en France, allait s’intensifier.

Et cette intensification de l’éloignement du projet historique du Grand Directoire des Gaules commença assez vite après la disparition de Camille Savoire en 1951, puisque dès 1958 une « Convention » conclue avec la Grande Loge Nationale Française, faisait du G.P.D.G., l’instance des « Hauts-Grades » pour le Rite écossais rectifié, de l’Obédience française dite « régulière » (sic) selon les conceptions de la Grande Loge Unie d’Angleterre.

Comme l’écrit Jean-Marc Vivenza dans la Préface étendue qui ouvre la réédition des «Regards sur les Temples de la franc-maçonnerie », le G.P.D.G., va engager au cours du temps,  « une complète et entière réorientation de l’institution de 1946, devenue, en quelques années (notamment à compter de la décennie 1990), une obédience multi-ritualiste se vouant de façon quasi missionnaire, par le biais d’une « Aumônerie », à ‘‘l’enseignement de la doctrine de la religion chrétienne’’ [2]

c) Le Régime Ecossais Rectifié a été détourné de ses objectifs par les Obédiences maçonniques

Mais si le G.P.D.G., au fil du temps, s’est égaré dans des conceptions dogmatiques qui tordent et corrompent entièrement le projet de 1935, au point d’avoir perdu toute légitimité sur le Régime, il ne conviendrait pas d’oublier non plus que les conditions dans lesquelles vit le Rectifié au sein des diverses Obédiences en France, quoique pour d’autres motifs, ne sont pas plus enviables, car il s’y trouve soumis à des vues diverses et variées, rendant impossible une pratique authentique, telle que stipulée et clairement précisée pourtant dans les Codes qui ont été rédigés pour organiser la vie des deux Classes de l’Ordre (symbolique et chevaleresque).

D’ailleurs, si l’on voulait dresser un panorama complet des multiples distorsions, modifications, transformations, adaptations, tant dans le cadre organisationnel que rituel, que l’on s’est autorisé à faire subir au Régime depuis son « réveil » en 1935, il faudrait y consacrer de forts volumes, qui ne manqueraient pas de provoquer à la lecture une réelle stupéfaction teintée de scepticisme, et parfois même de l’indignation.

On comprend mieux pourquoi, comme il est expliqué dans la réédition des « Regards sur les temples de la franc-maçonnerie » [3], Camille Savoire se sentit proche du discours que tint Marius Lepage (1902-1972) après-guerre, qui avait compris que les Obédiences représentaient finalement, de nos jours, une menace réelle pour l’intégrité et la fidélité de la vie initiatique, au point de considérer qu’il devenait nécessaire de constituer une alternative aux structures administratives profanes qui prétendent « gérer les Rites maçonniques », pour vivre en dehors du cadre obédientiel selon les lois et principes de l’Ordre, car, disait-il : « L’Ordre est d’essence indéfinissable et absolue; l’Obédience est soumise à toutes les fluctuations inhérentes à la faiblesse congénitale de l’esprit humain. » [4]

e) La franc-maçonnerie contemporaine est l’otage d’instances profanes de nature purement exotérique

Camille Savoire et Marius Lepage, comme le laisse voir leur correspondance, avaient très bien perçu que « la franc-maçonnerie contemporaine était devenue, à présent, l’otage d’instances profanes de nature purement exotérique ». [5]

Or, cette tendance vers « l’exotérisation profane », jusqu’à la grossière caricature affairiste, les magouilles politiques et le sectarisme dogmatique, s’est encore amplifiée depuis, et il est à craindre qu’elle ne perdure, en allant peut-être encore beaucoup plus loin dans la dégradation, au point qu’il se pourrait bien que dans peu de temps, on soit peut-être autorisé à se demander si l’Ordre, n’aurait pas, pour sa survie, à se séparer et s’éloigner définitivement du « cadre maçonnique », ceci afin de poursuivre la mission spirituelle, initiatique et doctrinale qui lui a été confiée par ses fondateurs au XVIIIe siècle ; décision de retrait qui fut celle en son temps, on s’en souviendra, de Johan August Freiherr von Starck (1741-1816), Eques ab Aquila fulva, pour les mêmes raisons.

f) La « Refondation » nécessaire du Régime Ecossais Rectifié

Avant qu’une telle décision ne soit imposée par l’Histoire aux générations qui auront sous leur responsabilité, un jour, le devenir du Régime Ecossais Rectifié, et pour sauver ce qui devait l’être avant qu’il ne soit trop tard, en décembre 2012, « un « retour » aux bases fondatrices fut donc souhaité et considéré comme nécessaire (…) partant du constat que les critères stipulés par la « Charte-constitutive » de 1935, soit en substance : « Pratiquer le Rite Écossais Rectifié en conformité des statuts de l’Ordre (…) et notamment de maintenir dans leur intégralité les décisions arrêtées aux divers Convents de Kohlo, en 1772, de Wilhelmsbad, en 1782, et des Gaules, en 1778 » (Cf. G.P.I.H., Charte-constitutive & Lettres-patentes, 20 & 23 mars 1935), n’étaient plus du tout respectés, voire même singulièrement abandonnés et profondément contredits » [6], a été réveillé le « Grand Directoire des Gaules ».

Cette initiative historique, qui s’est désignée sous le nom générique de « Refondation » – car s’en est une au regard du travail qu’il est nécessaire d’entreprendre pour retrouver, et retourner aux sources organisationnelles et doctrinales du Régime -, marque incontestablement une date importante, et il n’est pas étonnant à cet égard, que les mêmes incompréhensions et les craintes comparables, comme en 1935 pour Camille Savoire, resurgissent à l’identique en 2015, car les mêmes motifs qui provoquèrent les distances de la franc-maçonnerie obédientielle lors de la constitution du « Grand Directoire des Gaules » à l’époque, n’ont point changé avec le temps, et l’on constate les mêmes préventions, quasiment dans les mêmes termes qu’en 1935, à l’égard du « Grand Directoire des Gaules » réveillé en décembre 2012, qui poursuit l’œuvre « refondatrice » en fidélité aux intentions de Camille Savoire, afin que l’Ordre conserve « son essence primitive et fondamentale qui se perd dans la nuit des siècles … »

Conclusion

De la sorte, en cette année du 80ème Anniversaire du « Réveil » du Régime Ecossais Rectifié, nous pouvons remercier la Divine Providence, qui a permis que le « Grand Directoire des Gaules », l’instance historique de 1935 constituée par Camille Savoire, soit de nouveau active et vivante, pour que nous puissions célébrer, loin des terres d’exil de l’Egypte, la « Refondation de l’Ordre », c’est-à-dire la « Renaissance du Phénix » !

Dans la Préface de présentation, écrite à l’occasion de la réédition des « Regards sur les Temples de la franc-maçonnerie« ,  Jean-Marc Vivenza, après avoir rappelé le jugement de René Guénon (1886-1951), à propos du projet de Camille Savoire, soit de réveiller le Régime Ecossais Rectifié en dehors des Obédiences, déclarant : «dans les circonstances présentes, [c’est] une chose des plus souhaitables, si l’on ne veut pas voir se perdre irrémédiablement les derniers vestiges d’initiation occidentale qui subsistent encore… » [7], rajoute, avec grande justesse : « On ne saurait mieux résumer, selon-nous, le sens et l’objet de l’œuvre entreprise par Camille Savoire : soit travailler sans relâche, et avec courage, dans la Foi, l’Espérance et la Charité, à ce que perdurent les derniers vestiges d’initiation occidentale qui subsistent encore, de sorte que les « âmes de désir », d’aujourd’hui et de demain, puissent trouver un chemin véritable et authentique, qui conduise réellement au « Sanctuaire de la Vérité ». [8]

Lire :

 camillesavoiresiteweb

Camille Savoire et les Temples de la Franc-maçonnerie

Éditions La Pierre Philosophale, 338 p. 

Notes.

1. C’est le 17 avril 1935 que Camille Savoire démissionnait du G.O.D.F., lors de sa dernière tenue en tant que Grand Commandeur il soulignait : « J’ai résolu…de me retirer du Grand Orient de France et de recouvrer ainsi ma complète liberté d’action… »

2. J.-M. Vivenza, Préface, in Camille Savoire, Regards sur les temples de la Franc-maçonnerie (1935), réédition La Pierre Philosophale, 2015, p. 72.

3. Ibid., p. 75-77.

4. M. Lepage, L’Ordre et les Obédiences, Histoire et Doctrine de la Franc-Maçonnerie, Dervy, 1956, p.8.

5. J.-M. Vivenza, Préface, op.cit., p. 75.

6. Ibid., p.73.

7. R. Guénon, Le Voile d’Isis, décembre 1935, in Études sur la Franc-maçonnerie et le compagnonnage, Éditions Traditionnelles, t. I, 1964, p. 90.

8. J.-M. Vivenza, Préface, op.cit., p. 89.

 

En lien sur le même sujet :

 Phénix Ordre - 2014 DNRF-GDDG I

80e Anniversaire du «Réveil»du Régime Rectifié (1935-2015)

Camille Savoire et « l’esprit » de la Gnose spiritualiste

Camille Savoire et les « derniers vestiges d’initiation occidentale »

Le Grand Orient de France et sa « fable » rectifiée !

In Codes de 1778, Convent des Gaules, Franc-maçonnerie, Histoire, Jean-Baptiste Willermoz, Ordre, Polémique, Régime Ecossais Rectifié on 18 septembre 2014 at 10:14

FF GO III

La prétendue « possession » du Rite Écossais Rectifié

par le Grand Orient de France,

est une « fable » relevant d’une grossière falsification de l’Histoire.

Un article particulièrement intéressant vient d’être publié sur le site du Directoire National Rectifié de France-Grand Directoire des Gaules, abordant la question de la « Régularité » par rapport au Régime Écossais Rectifié

Ce qui a été rappelé dans ce texte est important, à savoir : le Régime Écossais Rectifié possède ses propres règles résumées dans ses Codes fondateurs rédigés en 1778 à Lyon, et c’est le respect de ces règles qui fait la régularité du R.E.R., pas sa soumission au « Basic Principles », datant de 1929, promulgués par la Grande Loge Unie d’Angleterre.

Il était temps que ceci soit enfin clairement affirmé pour en finir avec un mythe, celui consistant pour un système maçonnique – et ce qui vaut pour le R.E.R. l’est également pour l’ensemble des Rites pratiqués au sein de la franc-maçonnerie – à devoir être validé en légitimité par une instance administrative, ce que sont en réalité les « Grandes Loges » qu’elles soient « régulières » (sic) ou non selon les critères de la Grand Loge Unie d’Angleterre.

a) Le Réveil en France du Régime Écossais Rectifié en 1935

Mais ce texte, que chaque maçon, rectifié ou pas, saura apprécier à sa juste valeur, éclaire un point qui nous semble plus particulièrement pertinent, et sur lequel nous allons nous arrêter.

En effet, on sait qu’en 1935, Camille Savoire (1869-1951), qui ne supportait plus la façon dont son obédience, c’est-à-dire le Grand Orient de France (G.O.D.F.), agissait à l’égard du R.E.R. – n’hésitant pas à exiger la modification des rituels considérés comme trop « chrétiens », s’opposant à l’invocation du Grand Architecte de l’Univers lors de l’ouverture des travaux, etc. -, décidait de s’en retirer en fondant, en mars 1935 avec l’aide du Grand Prieuré d’Helvétie, seule instance détentrice de l’héritage du Régime depuis son extinction en France au XIXe siècle et donc capable d’opérer un tel « Réveil », le Grand Directoire des Gaules.

Sont but était de pratiquer un R.E.R. libéré des contraintes que le G.O.D.F. faisait peser sur lui en empêchant sa pratique en fidélité d’avec ses principes, Camille Savoire écrivait donc : « Nous avons voulu créer un foyer maçonnique soustrait à toute influence politique, tenu rigoureusement à l’écart des discussions concernant les partis politiques ou les clans sociaux et des controverses sur les questions brûlantes les concernant ou relatives aux polémiques religieuses… » [1].

La Charte Patente délivrée à Camille Savoire par le Grand Prieuré d’Helvétie le 23 mars 1935 stipulait :

« Le Grand Prieur d’Helvétie, ès qualités, a expressément reconnu le Grand Directoire des Gaules comme puissance régulière, autonome et indépendante du Régime Rectifié en France, avec les pouvoirs les plus étendus pour créer en ce pays tous  [les établissements de l’Ordre] sous son Obédience, et a salué en la personne du…. Docteur Camille Savoire…le premier Grand Prieur, Grand-Maître National. » [2]

b) Invention de la « fable » maçonnique du Grand Orient de France en 1938, se déclarant en « possession » du Rite Écossais Rectifié

Après quoi, le Régime étant réveillé sur ses bases historiques, tout aurait pu aller pour le mieux, chacun vivant sa vie propre selon ses principes ; les uns, en raison de leur laïcisme militant, leur faisant fuir un système qu’ils considéraient comme beaucoup trop « chrétien », les autres pouvant enfin s’épanouir selon l’esprit d’un Régime qu’ils aimaient, en le pratiquant en fidélité avec ses orientations spirituelles et religieuses.

Le problème, c’est que le G.O.D.F., sans doute vexé par la constitution du Grand Directoire des Gaules en tant que puissance maçonnique indépendante et autonome, décidait les 18 et 19 juin 1938, de créer – mais en toute illégitimité pour ce faire, une telle décision n’étant en rien du ressort d’une obédience mais d’un Grand Prieuré, et encore sous réserve de nombreuses conditions requises – un « Directoire Écossais des anciennes provinces de France » (sic).

Évidemment, c’est en vain que l’on cherchera cette dénomination «d’anciennes provinces de France »  dans l’histoire du Rite depuis le XVIIIe siècle, mais cela ne semblait guère inquiéter les instigateurs de cette curieuse initiative qui, pour ce faire, se réclamant du Grand Collège des Rites du G.O.D.F., affirmaient  tranquillement et sans sourciller: « Considérant que le Grand Orient de France a la possession du Rite Écossais Rectifié en vertu des traités de 1776, 1781 et 1811, qu’il a passés avec les Directoires Écossais d’Auvergne, de Bourgogne et de Septimanie alors séant à Lyon, Strasbourg, Bordeaux et Montpellier (…) Décide de procéder à la réorganisation, au sein du Grand Orient de France, des degrés supérieurs du Rite Écossais Rectifié (…) et formeront dans le sein de cette Puissance Maçonnique le Directoire Écossais des anciennes provinces de France. » [3]

c) Manipulation de l’Histoire par le Grand Orient de France

Cependant il y avait un gros problème à cette décision brutale.

Très sérieux même.

C’est que le Grand Orient de France, par le biais de son Grand Collège des Rites, était absolument incapable et illégitime en 1938 – comme depuis toujours et de par sa nature invariante, qui est d’être une obédience administrant des Loges, et rien d’autre – pour prendre une telle « Décision ».

Pourquoi ?

Tout simplement parce que les « Traités d’Union » signés entre le Grand Orient de France et les Directoires du Régime rectifié au XVIIIe siècle, n’ont jamais stipulé, à aucun moment et dans aucun des articles exposant les motifs de cette « Union » (sic) entre le Régime rectifié et le Grand Orient, un quelconque acte de transmission ou de donation du Rite au G.O.D.F.

Le prétendre relève de la pure invention, pour tout dire de la « fable » grossière, pure et simple, se transformant en un acte de quasi « brigandage » initiatique de par cette volonté, en violation de l’Histoire, de s’emparer d’un Rite.

d) Les Traités d’Union rappellent que Les Directoires forment« Le corps du Régime Rectifié en France»

Pourtant, en toute indifférence à l’égard de la réalité historique et de la teneur effective des Traités, la « fable » d’une prétendue possession du Rite écossais rectifié  (sic) par le Grand Orient de France, fut  ainsi reproduite à l’infini sans faire l’objet du moindre examen afin de savoir si elle était fondée ou non, participant d’une rhétorique inlassablement développée, et sur laquelle on s’appuiera dans de nombreux discours et écrits divers à partir de 1938, et ce jusqu’à nos jours.

C’est pourquoi, comme le rappelle à présent, à juste raison, le Directoire National Rectifié de France-Grand Directoire des Gaules :

« Parmi les « fables maçonniques », il en est une qu’il convient de dissiper entièrement, tant elle revient comme une antienne singulièrement fausse et erronée, celle consistant pour le Grand Orient de France, à s’imaginer détenteur d’un quelconque titre de propriété sur le Régime écossais rectifié au motif des Traités d’Union de 1776, 1781 et 1811, signés, à l’époque, avec les instances dirigeantes du Régime.

Or ces Traités, comme il est aisé de le constater à leur lecture, n’eurent pour but, comme le stipulent leurs articles, que de « déléguer » au Grand Orient de France, sous l’autorité des Directoires du Régime, et surtout sur leur proposition, la création d’établissements symboliques, c’est-à-dire de Loges bleues.

C’est peu, relève du niveau purement administratif, et c’est tout. 

Les Directoires, dont il était d’ailleurs précisé en préambule des Traités, qu’ils forment « Le corps du Régime Rectifié en France », bénéficiaient d’un représentant au sein du Grand Directoire des Rites du Grand-Orient, et conservèrent toujours leur entière souveraineté sur le Régime, tant au niveau de l’Ordre Intérieur que des Loges symboliques, puisque rien ne pouvait se faire, dans le cadre de leur création – et plus encore des rituels du seul ressort de l’Ordre rectifié -, sans proposition et décision des Directoires. Autant dire que les Loges symboliques rectifiées qui travaillèrent ainsi sous les auspices du Grand Orient de France, furent « agrégées » (sic) à l’Obédience, au seul titre de leur participation administrative, et qu’il ne fut jamais question, et ceci pas un seul instant et dans l’esprit de quiconque, d’une quelconque idée «d’appropriation du Régime» par le Grand Orient de France, appropriation et détention d’ailleurs rendues absolument impossibles au regard de l’organisation propre du Régime écossais rectifié, structuré depuis le XVIIIe siècle comme un « Ordre » autonome et indépendant, gouverné par les établissements ostensibles et non-ostensibles de sa classe chevaleresque, ses Directoires et ses Grands Prieurés. » [4]

 e) Les Traités d’Union ne sont que des traités administratifs signés afin de permettre aux Loges rectifiées de bénéficier des mêmes « avantages » que les Loges françaises

Et ceci est l’exacte vérité comme il est aisé de le constater si on prend la peine de lire ces Traités :

Traité d'Union I

Traité d'Union II

Original du Traité d’Union entre le G. O. de France

et les trois Directoires écossais

établis selon le Rite de la Maçonnerie réformée d’Allemagne

à L’Оrient de Lyon, Bordeaux et de Strasbourg (1776).

*

Il y a une preuve supplémentaire.

Elle provient du Code Maçonnique des Loges Réunies et Rectifiées de 1778, qui précise bien l’objet sur lequel portaient les Traités d’Union, soit pour les Loges du Régime rectifié, de bénéficier de par leur « agrégation » – c’est-à-dire en langage clair leur reconnaissance, des « avantages » portant sur la possibilité de se réunir dans les temples maçonniques et recevoir des visiteurs :

« Les Directoires Écossais de France, voulant faire participer les Loges réunies de leur district aux avantages, qui leur ont été réservés par un Traité d’union fait entre eux et le Grand Orient de France, se sont engagés de demander pour chaque Loge qu’ils fondent ou rectifient, des lettres d’agrégation au Grand Orient de France, que ce dernier ne peut pas refuser ; en conséquence, il a été convenu par ledit Traité, que chaque Loge qui n’aurait pas déjà des lettres de constitution du Grand Orient de France, paie­rait une fois pour toutes pour ses lettres d’agrégation, la somme de 36tt, et chaque Grande Loge Écossaise celle de 72tt. A cet effet, aussitôt qu’une Loge aura été réunie sous un des Directoires de France, elle dressera un tableau certifié de ses officiers et membres, et une copie de sa patente de réunion su Directoire, pour en être visés et envoyés au Grand Orient, avec la demande des lettres d’agrégation. Les Loges déjà constituées par le grand Orient de France avant leur réunion, n’ont pas besoin de lettres d’agrégation, leur ancienne patente du Grand Orient en tenant lieu. » [5]

f) La « possession » du Rite rectifié est une pure fable inventée par le Grand Orient de France

Est-il question d’une quelconque donation du Rite par les Directoires du Régime qui en étaient alors la seule et unique autorité, au Grand Orient de France ?

La réponse s’impose d’elle-même : nullement, il n’en est question à aucun endroit.

On est donc bien dans le cadre, très banal au fond, de l’administration obédientielle propre aux conditions de la vie maçonnique au XVIIIe siècle, et ce cadre est reconnu comme tel, tant par les Directoires du Régime, que par le Grand Orient de France dans les différents articles des Traités d’Union

Sur ce point, les deux signataires tiennent le même langage, et admettent les identiques principes : les Loges du Régime Rectifié, travaillent sous l’autorité des Directoires et sont « agrégées » au Grand Orient de France, cette « agrégation » étant une formule nécessaire au XVIIIe siècle pour permettre que les dites Loges soient considérées comme étant membres de la Franc-maçonnerie française, sachant que le R.E.R., provenant de la Stricte Observance allemande, était considéré comme un « Régime » étranger, un Rite, selon la désignation du Traité d’Union, issu « de la Maçonnerie réformée d’Allemagne ».

A aucun moment il n’est question d’une « donation » du Rite au Grand Orient de France.

Prétendre le contraire relève donc d’une très grossière contrevérité et d’une falsification de l’Histoire !

Conclusion

Quelle est, de la sorte, la conséquence d’un tel constat ?

Elle est simple.

Elle signifie que le Grand Orient France, n’avait pas en 1776, en 1781, en 1811, ni en 1938, comme il na jamais eu et n’aura jamais, en droit comme en fait, aucune légitimité pour se déclarer « en possession » (sic) du Rite Écossais Rectifié, ceci contrairement à ce qu’il affirmait fallacieusement dans sa « Déclaration » de 1938 : « Le Grand Orient de France a possession du Rite Écossais Rectifié en vertu des traités de 1776, 1781 et 1811, qu’il a passés avec les Directoires Écossais…etc. ».

Ce discours relève, positivement, de la pure invention, pour tout dire de la « fable » fantaisiste, et non des moindres.

Et cette invention s’étend à l’ensemble du Rite – des ateliers symboliques au « Hauts Grades » – le Régime rectifié formant un système organique liant dans une même unité, loges bleues, vertes et Ordre Intérieur, ce qui signifie, concrètement, que le Grand Orient de France n’a strictement aucune légitimité initiatique pour pratiquer le Rite écossais rectifié, y compris sur les Loges symboliques des premiers grades d’Apprenti à Maître.

Le rectifié est un tout, c’est-à-dire un « Régime », pensé comme tel et ne pouvant fonctionner autrement, sauf à en corrompre totalement l’essence fondatrice.

*

Ainsi, comme le précisait le Grand Chancelier du Directoire du Grand Prieuré d’Helvétie au Grand Orient de France en 1938, profondément choqué par l’attitude désinvolte et non respectueuse des principes initiatiques de l’obédience française : «Vous considérez que le G.O. possède le Régime Rectifié, aucun traité ne dit cela. Le G.O. a jadis passé un traité avec nos Provinces françaises pour que ses Loges bleues puissent travailler au Rite Rectifié. (…) En tout cas, le fait que ces Provinces en entrant en sommeil ont remis leurs pouvoirs au Grand Prieuré d’Helvétie et non au G.O. montre bien que ce dernier n’avait aucun droit sur elles. »

Et en effet, si le G.O.D.F., avait eu un hypothétique « droit » sur le Régime, ce n’est pas auprès du Grand Prieuré d’Helvétie que Jean-Baptiste Willermoz (1730-1824) aurait jugé nécessaire de transmettre les archives et pouvoirs du Régime Rectifié à la veille de son extinction au début du XIX siècle, mais bien auprès du Grand Orient de France. Ce qu’il ne fit pas, et pour cause.

Et nous savons, par l’Histoire, que c’est Joseph Antoine Pont (+ 1838), Eq. a Ponte Alto,  qui permit, en remettant en 1830 au nom du Chapitre Provincial de la IIe Province d’Auvergne, toutes les archives en sa possession au Grand Prieuré d’Helvétie, que survive la transmission de l’Ordre, conférant, à titre provisoire, aux Frères helvétiques, l’ensemble des pouvoirs permettant de procéder aux actes qui s’imposaient en conformité avec les Statuts et Règlements de l’Ordre, et d’attendre la possibilité du « Réveil » complet du Régime en France, ce qui se fit en mars 1935 par la constitution, à Paris, du Grand Directoire des Gaules.

 De 1830 à 1935, le Grand Prieuré d’Helvétie fut donc le seul dépositaire et l’unique conservateur du Régime Écossais Rectifié, et après son « Réveil » à l’initiative de Camille Savoire en mars 1935, ce Régime, disparu de France pendant près d’un demi siècle puisque la dernière Loge s’éteignit à Besançon en 1870, sera de nouveau placé sous l’autorité de la seule instance légitime à en revendiquer la « possession » et à pouvoir en organiser la vie, tant rituelle qu’initiatique : le Grand Directoire des Gaules.

*

Tout ceci aboutit à une morale, comme dans toute « fable », fut-elle de nature maçonnique ce qui est le cas en l’espèce, morale qu’il serait bon de retenir, surtout lorsqu’on désire traiter des questions initiatiques en se prétendant pourvu, fallacieusement comme nous l’avons vu, d’un « droit » qui n’est en réalité qu’un épais écran de fumée répandu à l’envie pour dissimuler de sérieux accommodements avec la vérité, et cacher une absence criante de légitimité dans la pratique du Rite Écossais Rectifié.

Cette morale s’applique singulièrement au Grand Orient de France dans son attitude à l’égard du Régime rectifié depuis 1938, mais elle a valeur à s’étendre à l’ensemble des instances maçonniques qui prirent, malheureusement, exemple sur le Grand Orient de France, pour agir de manière identique vis-à-vis de l’héritage willermozien :

Oeil maçonnique

« C’est à l’œuvre qu’on connaît l’artisan ». [6]

 

Notes.

1. C. Savoire, « Pourquoi voulons-nous réveiller le Rite Rectifié en France ?», in Regards sur les Temples de la Franc-maçonnerie, Les Editions initiatiques, 1935, p. 305.

2. ChartePatente constitutive du Grand Directoire des Gaules, 23 mars 1935.

3. « Décision », ratifiée par le Conseil de l’Ordre du Grand Orient de France le 19 juin 1938.

4. DNRF-GDDG, Qu’est-ce que la « Régularité » maçonnique pour le Régime Écossais Rectifié ?, septembre 2014.

5. Code Maçonnique des Loges Réunies et Rectifiées, 1778, Ch. IV « Des Loges Réunies et Rectifiées ».

6. J. de La Fontaine, Les Frelons et les Mouches à miel, Livre I, Fables, 1693.

À lire l’article du D.N.R.F.-G.D.D.G.  :

Phénix DNRF-GDDG

Qu’est-ce que la « Régularité » maçonnique

pour le Régime Écossais Rectifié ?

La dérive religieuse sectaire du Grand Prieuré des Gaules au grand jour !

In Christianisme, Doctrine, Franc-maçonnerie, Histoire, Illuminisme, Jean-Baptiste Willermoz, Polémique, Réforme de Lyon, Régime Ecossais Rectifié, Réintégration, Religion on 2 janvier 2014 at 23:37
GPDG VIII

Le Grand Maître du GPDG, par l’effet d’un sectarisme religieux

incompatible avec les voies initiatiques,

annonce vouloir « amender, opposer,contrarier, enrichir »,

et même  « contester » (sic !) l’héritage doctrinal willermozien…

Le numéro récemment publié des Cahiers Verts (n° 8, 2013), revue éditée jusqu’à présent par les Editions du Simorgh dont l’ancien directeur de publication fut un Grand Maître adjoint éphémère du Grand Prieuré des Gaules en raison du scandale provoqué par l’affaire de la bibliothèque Robert Amadou, propose diverses contributions, dont, et c’est ce sur quoi nous arrêterons car ce texte est signé de l’actuel Grand Maître fraîchement réélu pour un nouveau mandat de 4 ans, son discours d’orientation.

Ce discours a vocation à poser les bases sur lesquelles on entend engager l’obédience multiritualiste coiffée d’une Aumônerie, qui a vécu la rupture que l’on sait en décembre 2012, puisque celui qui fut son Porte-parole officiel – suivi par de nombreux Frères dont l’ancien Grand Maître du G.P.D.G., et l’ancien Grand Conservateur du Rite écossais rectifié au G.P.I.F. (G.O.D.F.) -, prit l’initiative, face à une situation d’éloignement d’avec les critères du Régime qui s’avérait irréversible, de réveiller le Grand Directoire des Gaules qui était en sommeil depuis 1939.

Le sous-titre : «À ceux qui déchirent sa tunique », est d’ailleurs relativement bien choisi par un Bruno Abardenti  qui, comme nous allons le constater, piétine allègrement les principes willermoziens, annonçant immédiatement la tonalité en étant à la navrante hauteur, à bien des égards, de ce que développe ce discours stupéfiant.

a) Permanence des pratiques de travestissement des textes

D’entrée, par un petit tour de passe-passe dont il a le secret, et qui est désormais une habitude de fonctionnement pour le GPDG, le Grand Maître du Grand Prieuré des Gaules, jamais en peine d’un travestissement comme il nous l’avait signalé récemment, commence son discours de la saint Michel 2013 par une substitution tout à fait étonnante, puisqu’il considère que la Règle Maçonnique rédigée à Wilhelmsbad proclamerait, selon lui, que « l’initiation parfaite » (sic) serait le christianisme.

Pour appuyer son propos, il cite ce passage connu de la Règle Maçonnique : « Tu accompliras ta sublime destinée, tu recouvreras cette ressemblance divine, qui fut le partage de l’homme dans son état d’innocence, qui est le but du christianisme, et dont l’initiation maçonnique fait son objet principal. »  [1]

Est-il question d’un « christianisme initiation parfaite » dans ce passage ?

Nullement.

Il est simplement spécifié, dans la Règle Maçonnique en IX articles, que le but des travaux maçonniques est de concourir à ce que chaque homme retrouve la « ressemblance divine » qu’il a perdue, but signalé comme étant commun avec le christianisme. Pas une ligne de plus.

D’ailleurs, à travers tous les rituels de l’Ordre, la seule chose que révélera le Régime rectifié, non aux Frères des classes symboliques, et surtout pas de façon ostensible et tapageuse comme il est devenu courant dans un GPDG mué en école de religion, mais seulement à ceux qui atteignent l’état de Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte, c’est que le christianisme, s’il « fut une initiation aussi mystérieuse que celle qui l’avait précédée », apporta certes, mais uniquement en tant que Loi, des  «connaissances parfaites », et que c’est cette Loi qui «est la plus sublime, la plus élevée, la plus parfaite de toutes » [2], non le « christianisme » en tant que tel, qu’on se garde bien de définir.

b) Depuis le VIe siècle, « l’initiation parfaite » est conservée dans le secret

On remarquera en effet, et c’est pourquoi ces trémolos exagérés et déplacés sur le « christianisme » auraient été vigoureusement rejetés par Jean-Baptiste Willermoz qui constitua son système comme une lente et prudente propédeutique de la Vérité, que si le Rituel du 1er Grade évoque à plusieurs endroits le « christianisme », ou « la sainte religion chrétienne », il s’interdit de préciser ce que l’Ordre entend sous ces termes, et pour cause, puisque le Frère apprendra, un peu plus tard, en avançant dans l’initiation, que le christianisme auquel se réfère le Régime rectifié, provient de celui, lié à la « religion primitive », détenteur de vérités oubliées, voire condamnées aujourd’hui par l’Eglise depuis le VIe siècle !

Et c’est en cela, sans aucun doute, que réside la preuve du travestissement positif, évident et très coupable de la doctrine du Régime opéré par Bruno Abardenti, car ce n’est non pas « l’Eglise » pour le système édifié par Willermoz, mais les Loges qui conservèrent l’initiation parfaite  jusqu’au VIe siècle, « initiation parfaite » consistant dans les précieuses connaissances aujourd’hui perdues, que préservent les initiés qui se sont retirés dans le secret !

Lisons : « Les Apôtres reçurent l’Initiation parfaite du Verbe même, et leur mission fut de la porter dans toutes les parties de l’univers. Nul doute, Mon Bien Aimé Frère, qu’elle n’ait été transmise aux Nations où l’Evangile a été prêché. Les Loges qui la reçurent conservèrent jusqu’au VIe siècle ces précieuses connaissances, et le refroidissement de la foi annonce assez qu’à cette époque le souvenir s’en est affaibli, et que ce qu’il restait d’initiés se retirèrent dans le secret. Mais aussi on doit croire que ces connaissances se sont perpétuées sans interruption pendant tous les siècles du monde car tous les ouvrages que Dieu a créés demeurent à perpétuité et nous ne pouvons rien ôter à tout ce que Dieu a fait. » [3]

Voilà l’enseignement véritable du  Régime rectifié, l’authentique position de l’Ordre, qui est très loin de correspondre avec le discours trompeur, saturé d’impressions religieuses subjectives, embrumé des vapeurs illusoires issues d’une passion charismatique ecclésiale et de visions personnelles propres à l’actuel Grand Maître du Grand Prieuré des Gaules, introduisant des vues fantaisistes au sein d’un Rite, jusqu’à en corrompre totalement l’économie, le sens et la nature.

c) Qui a raison Jean-Baptiste Willermoz ou Bruno Abardenti ?

On sourira ainsi, à ce titre, provenant de quelqu’un qui clame à tue-tête des propos, d’ailleurs puissamment déformés, sur le christianisme, que l’Ordre ne délivre qu’après plusieurs années d’une patiente démarche et qu’il se garde de révéler trop vite, écrire hypocritement, au sujet de la doctrine interne du Régime qui elle, traverse l’ensemble des Grades et confère sa spécificité à la Réforme de Lyon : « Il est donc extrêmement dangereux de vouloir poser cet enseignement comme préalable au parcours que propose le Rite Ecossais Rectifié, car cela  reviendrait à ne pas tenir compte de l’importance du rythme et des effets du  Rite agissant au bénéfice de l’homme. Agir ainsi serait la négation de son  mode opératoire. » (p. 12).

Ah bon, voilà qui est nouveau ?!

Il serait donc « extrêmement dangereux de vouloir poser cet enseignement comme préalable au parcours que propose le Rite Ecossais Rectifié »…..ceci est curieux, car précisément le Rituel dit tout le contraire, la mauvaise foi atteignant ici des sommets, sachant que la rencontre avec le Triangle d’Orient, le Chandelier à trois branches symbolisant la triple puissance, Adhuc Stat, la batterie, Phaleg,  les « essences spiritueuses », etc., pour prendre des exemples significatifs, advient dès le Grade d’Apprenti, Apprenti qui sera invité par la Règle Maçonnique à se libérer des « vapeurs grossières de la matière », et que plus positivement encore, alors que celui qui doit être reçu franc-maçon n’est encore qu’un candidat séjournant dans la chambre de préparation, un Frère lui délivre cet avertissement impératif : « L’Ordre, ne doit pas accueillir des individus qui auraient une doctrine opposée à celle qu’il regarde comme sa règle fondamentale… » [4]

Avons-nous bien lu ?

La comparaison vaut toutes les démonstrations :

  • Proposition A : « L’Ordre, ne doit pas accueillir des individus qui auraient une doctrine opposée à celle qu’il regarde comme sa règle fondamentale… » (J.-B. Willermoz, Rituel du Grade d’Apprenti, Discours du Frère préparateur au candidat, 1802).
  • Proposition B : « Il serait  extrêmement dangereux de vouloir poser cet enseignement comme préalable au parcours que propose le Rite Ecossais Rectifié ». (B. Abardenti, Saint Michel 2013, Discours du SGM du GPDG, Cahiers Verts n° 8, 2013, p. 12).

Qui donc a raison, Bruno Abardenti ou Jean-Baptiste Willermoz ?

On le constate, si le « christianisme » n’est absolument pas désigné, et à aucun endroit dans la Règle Maçonnique, comme « l’initiation parfaite », en revanche, une disposition ou un a priori au minimum favorable (qu’il appartient aux enquêteurs, au frère préparateur, au parrain et aux membres de la Loge d’évaluer), à l’égard de la doctrine que l’Ordre regarde comme sa règle fondamentale, est un préalable obligatoire pour être reçu franc-maçon du Régime rectifié !

Et ce préalable obligatoire relève d’une raison simple qu’explique Jean-Baptiste Willermoz : ce que le Régime rectifié considère sous le nom de « christianisme », analyse qui sera dévoilée après le temps d’un parcours procédant par étapes, participe d’une approche transcendante de nature non dogmatique, d’un enseignement perdu par l’Eglise depuis le VIe siècle, c’est-à-dire d’une doctrine, en effet, qui est très loin de correspondre à ce que Bruno Abardenti, abusant des prérogatives de sa charge de Grand Maître, souhaite mettre sous le nom de « christianisme », se voulant, dans une envolée pompeuse frisant d’ailleurs avec le ridicule : « le féal de la vérité, le chevalier de la beauté, le prêtre de l’amour, le prophète de son retour» [5].

C’est pourquoi, cette tirade grotesque du Grand Maître du GPDG, lorsqu’on constate son éloignement positif d’avec les positions de l’Ordre, pourrait être ainsi paraphrasée : «je serai le féal de la contre-vérité, le chevalier du travestissement, le prêtre de la division, le prophète de ses détours».

d) Des propos de chef de secte !

Mais par delà une entrée en scène qui se veut grandiloquente, quoique gravement faussée et mensongère dans la mesure où elle s’appuie sur une contrevérité formelle qui vient d’être démontrée, que nous réserve la suite de  ce discours hallucinant ?

En vérité bien des surprises, et non des moindres !

Développant sa péroraison à partir de son erreur initiale, Bruno Abardenti qui use et abuse des métaphores religieuses, poursuit son envolée lyrique par plusieurs paragraphes du même tonneau rédactionnel, au sein desquels il n’hésite pas à parler du « banquet des mystères divins », « d’eucharistie perpétuelle », des « messagers de braise », « d’action prophétique par coopération angélique », des « vivants du Seigneur », etc., (p. 11), nous faisant nous demander si Abardenti ne confond pas ses extases personnelles, avec la réalité concrète de son obédience, dont il semble avoir oublié qu’elle n’est pas une congrégation d’évangélisateurs missionnaires, mais une organisation maçonnique  ?

Cependant, plus inquiétant encore, s’exprimant comme s’il prêchait, emporté par les vapeurs d’une visible passion, Bruno Abardenti en vient à proférer des attaques à l’encontre de ceux qui se sont opposés à la déviance religieuse qui, au fil des ans, s’est imposée au GPDG, en des termes qui relèvent objectivement de la phraséologie des gourous enfiévrés et  des chefs de sectes, parlant, tel un adepte de la scientologie, en des formules qui ne prennent même plus la peine de dissimuler une volonté de règlement de compte personnel, en désignant à la vindicte et à l’ostracisme : les « faux prophètes [qui] nous enferment dans des palais de cristal au parfum de néant » (p. 12), ou les « boucs (sic !) qui pratiquent l’errance de l’aventure mentale » (ib.).

Chacun, évidemment, jugera de la valeur et du bien-fondé de ces formulations totalement déplacées et inappropriées, et saura en tirer les conclusions qui s’imposent concernant les méthodes de l’actuel Grand Maître du GPDG.

e) Pour le Grand Maître du GPDG, « les dogmes de l’Eglise sont intangibles » et  ont autorité sur la franc-maçonnerie !

Toutefois, revenant sur ses propos antérieurs, Bruno Abardenti qui se doute que là est bien le fond du problème, tient de nouveau à persuader son auditoire de la justesse d’une affirmation qui aurait fait hurler Willermoz et tous les fondateurs du Régime rectifié : « J’ai déclaré et écrit à la Saint Michel 2012, que le dogme était intangible, mais pas la doctrine. » (p. 12).

En effet, il écrivait en 2012 : « C’est le dogme qui est intangible, pas la doctrine (…)  Nous restons… sentinelles des défaillances oublieuses des vérités religieuses… Sans la présence du Christ en nous, à travers ses sacrements, nos prières à termes nous feront tomber dans l’illusion…[l’homme] n’est nullement au-delà des lois de l’Eglise. » [6]

Qu’un Grand Maître d’une structure maçonnique française en lien avec des obédiences qui se déclarent « adogmatiques », puisse affirmer lors d’un discours officiel, qui plus est imprimé dans la revue de son organisation, que seul le « dogme » défini par les conciles a autorité sur l’enseignement d’un système maçonnique dont il a la charge, et que par ailleurs, les « sacrements de l’Eglise » nous garantissent de la prétendue « illusion » que constitueraient les méthodes préconisées par les voies initiatiques, ce à quoi se rajoute l’insistance sur le fait que, selon lui, « nul n’est au-delà des lois de l’Eglise », est absolument stupéfiant !

On se demande d’ailleurs par quel miracle sont encore maintenus des accords de reconnaissance entre une déviance religieuse dogmatique sectaire, ce qu’incarne objectivement le GPDG aujourd’hui, et des obédiences fondées sur la « liberté absolue de conscience », la « laïcité », et « l’indépendance par rapport aux dogmes de l’Eglise ». Passons.

f) Le « droit divin » au service du projet destructeur de l’Ordre dévoilé !

Le « sommet » de ce discours, si l’on peut parler ainsi pour de tels propos affligeants, est atteint dans les lignes suivantes qui permettent de mesurer, certes le degré de distance d’avec les critères initiatiques, mais surtout la menace directe qui pèse sur l’Ordre, puisque Bruno Abardenti, du haut de son estrade associative, en vient à qualifier de « petits maîtres » (sic !) Willermoz, Saint-Martin et Martinès de Pasqually, de la façon suivante : « Toute doctrine qui ne se discuterait pas, deviendrait par  définition un dogme (…) L’homme dans ses  gènes originels, doit coopérer aux énergies divines, en prolongeant de son  talent tout enseignement humain, même inspiré. Willermoz, Saint-Martin et Martinez au regard du seul vrai Maître sont des «  petits maîtres »… » (p. 13).

Et comment doit-on se comporter à l’égard de ceux, regardés comme des « petits maîtres », par le « Grand Maître » (sic) du GPDG ?

On l’aura deviné, en ne se gênant pas pour : « les amender, [les] opposer, [les]contrarier,  puisqu’enrichir n’est point trahir, sans encourir les foudres d’une doxa trop  pharisienne pour qui, l’Esprit Saint aurait cessé de souffler, soit à la  Crucifixion, soit à la naissance au ciel des « petits maîtres ». (p. 13)

Voilà l’aveu tant attendu !

La réalité est enfin exposée au grand jour de ce projet concocté depuis longtemps déjà par un noyau de zélotes occupant la tête du GPDG, qui cherchent, par tous les moyens à leur disposition, à soumettre, de gré ou de force, la doctrine de l’Ordre avec l’enseignement de l’Eglise, considérant qu’ils n’ont pas à se gêner, car, si l’on suit bien l’équation simple qui désormais s’impose :

1°)  – Puisque « Willermoz, Saint-Martin et Martinez au regard du seul vrai Maître sont des «  petits maîtres » ;

2°) – Sachant que  Bruno Abardenti se laisse désigner comme le « représentant du Christ en ce monde » par le Grand Orateur du GPDG, et le fait publier complaisamment dans les Cahiers Verts en ces termes : « (…) il est le digne représentant du Christ dans l’ordre. (…) En servant l’ordre et son Grand Maître ou ses représentants et lieutenants, nous servons le Christ » [7] ;

3°) – Il est donc possible, puisque Abardenti et ses affidés se considèrent comme inspirés par l’Esprit-Saint, s’autoproclamant les « représentants du Christ », bénéficiaires, on l’aura compris, des « énergies divines », qui « prolongent de leur talent tout enseignement humain » : « d’amender, opposer, contrarier, enrichir » une doctrine de l’Ordre en contradiction d’avec les canons conciliaires, afin de la transformer et la rendre conforme avec la dogmatique de l’Eglise !

Tel est le sinistre et terrifiant projet, cette fois-ci avoué et clairement dévoilé, positivement exprimé, auquel se sont consacrés quelques sectaires qui, dans leur illusion charismatique, s’imaginent, par le « droit divin« , détenteurs du pouvoir d’amender, opposer, contrarier et enrichir Willermoz, Saint-Martin et Martinès de Pasqually ! trompant d’ailleurs ceux qui leur font confiance et auprès desquels ils se présentent comme des défenseurs de la « franc-maçonnerie chrétienne », alors que leur but n’est autre, comme il apparaît à présent – après avoir opéré une mutation sans doute irréversible de l’obédience devenue une structure multiritualiste coiffée d’une Aumônerie -, dans un second temps, que d’engager une transformation radicale et profonde de la substance même du Régime rectifié, pour en faire quelque chose de tout à fait différent, voire d’opposé à ce que les fondateurs de l’Ordre édifièrent au Convent des Gaules en 1778, mais compatible en revanche, avec les critères de la « franc-maçonnerie chrétienne », telle que la conçoit le GPDG d’aujourd’hui.

Conclusion

Il ne s’agit plus de se le cacher, le stade des menaces ou des risques étant largement franchi, le loup s’est  introduit dans la place et dirige une organisation, qui d’ailleurs n’est plus, faute d’en avoir conservé les critères, une structure rectifiée qu’elle dit elle-même, et soutient ne pas être, ce qui est tout à fait exact, d’autant que l’essence de la transmission de Camille Savoire (1869-1951) est désormais passée, en décembre 2012 à Lyon, en d’autres mains infiniment plus respectueuses de l’héritage willermozien, et qui ont réveillé, car cela était devenu une nécessité impérative, le Grand Directoire des Gaules, à l’origine du retour du Régime rectifié en France en mars 1935.

Un point semble cependant important à rappeler au Grand Maître du GPDG et son petit groupe d’amis, qui sont à la tête de cette entreprise de corruption des fondements de l’Ordre : Willermoz, Saint-Martin et Martinès de Pasqually, ont toujours affirmé, en y insistant de façon solennelle, que leur « doctrine », qu’ils qualifiaient de « sainte », n’était point une « invention humaine » ni une « fille de la raison susceptible de contestation » [8], comme vient d’en faire diffuser l’affirmation à tous ses membres le GPGD dans son bulletin interne baptisé Epitomé, mais qu’elle provenait, par l’intermédiaire de Moïse, de Dieu Lui-même !

Ainsi donc, que les aveugles illusionnés, qui annoncent vouloir amender, opposer, contrarier, enrichir, et même jusqu’à « contester » (sic) l’héritage doctrinal des maîtres fondateurs, se souviennent que ce type d’action, folle et insensée s’il en est, n’est pas sans quelques risques sur le plan spirituel, et qu’on ne se livre pas à ce petit jeu impunément, surtout dans les domaines initiatiques. Quant à ceux, que ces débats jusqu’à présent avaient dépassés, ou qui les imaginaient auxiliaires, non majeurs, voire périphériques, les considérant comme des « querelles entre théologiens », des « divergences d’intellectuels », des « oppositions individuelles », ils ne pourront plus dire « on ne savait pas », « on ne se doutait pas que le mal était si profond », ou « on n’avait pas pris conscience d’une action si grave envers le Régime rectifié et le devenir de l’Ordre »….

Pour que les choses soient claires, voici ce que Jean-Baptiste Willermoz a toujours soutenu à propos de la « sainte doctrine », ce à quoi il demandait de souscrire, pour certains, sous serment, et qui aurait été absolument scandalisé, saisi d’effroi, profondément choqué et épouvanté en apprenant que certains prétendus « membres » de son Régime, pensaient et affirmaient souhaitable aujourd’hui, d’amender, opposer, contrarier, enrichir, et contester la doctrine de l’Ordre :

 « La doctrine […] n’est point un système hasardé arrangé comme tant d’autres

suivant des opinions humaines ;

elle remonte… jusqu’à Moïse qui la connut dans toute sa pureté

et fut choisi par Dieu pour la faire connaître au petit nombre des initiés,

qui furent les principaux chefs des grandes familles du Peuple élu,

 auxquels il reçut ordre de la transmettre

pour en perpétuer la connaissance dans toute sa vérité

Les Instructions sont un extrait fidèle de cette Sainte Doctrine

 parvenue d’âge en âge par l’Initiation jusqu’à nous.

[…]

La forme de cette Instruction a quelquefois varié selon les temps et les circonstances,

mais le fond, qui est invariable, est toujours resté le même.

Recevez-la donc  avec un juste sentiment de reconnaissance

et méditez-en la doctrine sans préjugé  avec ce respect religieux

que l’homme dignement préparé peut devoir à ce qui l’instruit et l’éclaire.  »

Jean-Baptiste Willermoz,

Statuts et Règlement de l’Ordre des G. P., Ms 5.475, BM Lyon.

CV n°8

Cahiers Verts n° 8,  nouvelle série, 2013.

Notes. 

1. Cf. Règle Maçonnique, in Rituel d’Apprenti rédigé en Convent Général de l’Ordre l’an 1782, Version de 1802 de la Triple Union à l’Orient de Marseille, Bibliothèque Nationale, Paris.

2. Rituel de l’Ordre de la Cité Sainte pour la classe des Chevaliers, approuvé par le Convent de Wilhelmsbad  le 30 août 1782, ratifié le 18 juillet 1784, BM de Lyon, Fonds Willermoz, ms 5921.

3. Cf. Instruction d’Ecuyer Novice, 1778-1808.

4. Rituel d’Apprenti rédigé en Convent Général de l’Ordre l’an 1782, op.cit.

5. Bruno Abardenti, Discours du Sérénissime Grand Maître du Grand Prieuré des Gaules, Saint Michel 2013, Cahiers Verts n° 8, 2013, p. 11.

6. Bruno Abardenti, Discours saint Michel 2012, Cahiers Verts n° 7, pp. 14-15.

7. Dominique V., Ordre et obédience, Cahiers Verts n° 8, 2013, p. 31. Si l’on pouvait avoir encore quelques doutes sur le fait que l’Ordre doive impérativement se libérer de la tutelle des obédiences pour vivre selon son essence, ce texte en deux parties publié dans les Cahiers Verts n°8, (Ordre chevaleresque et initiation chrétienne, pp. 17-24, Ordre et obédience, pp. 25-34), serait de nature à convaincre quiconque, de par les propositions invraisemblables qu’il soutient allant jusqu’à réintroduire du « droit divin » dans l’exercice des charges, de la nécessité pour l’Ordre de son émancipation de la prison structurelle des organisations non rectifiées.

 8. J.-F. V., « ….la doctrine rectifiée (…) est fille de la raison, même si cette raison est chrétienne ;Tout ce qui est de l’ordre de la raison est susceptible de contestation », Epitomé, n°1, décembre 2013, p. 5. Le texte de l’Epitomé est reproduit in extenso sur le blog de l’ex Grand Aumônier du GPDG, Un Orthodoxe d’Occident : « Doctrine et dogme…dans l’Eglise et la franc-maçonnerie« , assorti de quelques commentaires hallucinants qu’aurait pu signer le très réactionnaire et intégriste Abbé Augustin Barruel (1741-1820) – qui désignait la doctrine des illuminés comme étant une forme contemporaine de l’hérésie gnostique et manichéenne  -, commentaires qui témoignent d’un rejet hostile et virulent des bases de la pensée illuministe.

En lien sur le même sujet :

BB

Le Grand Prieuré des Gaules

se retranche de la Franc-maçonnerie universelle

La Renaissance du Phénix à Lyon

In Codes de 1778, Convent des Gaules, Doctrine, Franc-maçonnerie, Histoire, Jean-Baptiste Willermoz, Ordre, Réforme de Lyon on 19 décembre 2013 at 22:34

Phénix IX

Les principes fondamentaux ont été réaffirmés le 14 décembre 2013 à Lyon,

afin que puisse renaître de ses cendres le Phénix,

et soit engagée l’oeuvre de réintégration des êtres

dans leur première propriété vertu et puissance spirituelle divine !

Lors de sa Tenue de Grande Loge Ecossaise, le samedi 14 décembre 2013 à Lyon, correspondant au premier anniversaire du réveil du Grand Directoire des Gaules (15 XII 2012), le Directoire National Rectifié de France-Grand Directoire des Gaules, a ratifié avec le Gran Priorato Rectificado de Hispania et le Grand Prieuré Indépendant et Traditionnel des Gaules, des Traités d’Amitié et Reconnaissance, portant sur le rappel des fondements historiques, organisationnels et doctrinaux du Régime Ecossais Rectifié.

Cet acte solennel, qui dépasse largement les accords classiques conclus communément entre Puissances maçonniques, puisqu’il s’appuie, de façon claire et explicite, sur les bases authentiques du Régime rectifié, représente un moment significatif de l’Histoire de l’Ordre fondé lors du Convent des Gaules en 1778.

En effet, les trois Puissances signataires, relevant d’une même origine – puisqu’elles proviennent toutes du réveil du Régime Ecossais Rectifié effectué en 1935 – ont voulu, par cette décision importante, signifier qu’elles entendaient œuvrer à la défense de l’Ordre, en le considérant comme un système initiatique indépendant, autonome et souverain vis-à-vis des structures obédientielles qui, depuis des décennies, se sont emparées du « Rite », en imaginant le soumettre à des vues profondément étrangères aux principes de la Réforme de Lyon.

Ainsi, les trois Puissances rectifiées réunies à Lyon le samedi 14 décembre 2013, ont souhaité rappeler en préambule, leur indéfectible attachement à l’essence du Régime rectifié par les points suivants :

  • 1) – Le souhait de conserver en fidélité l’esprit des Convents fondateurs de l’Ordre ;
  • 2) – La volonté de respecter les critères explicites exposés dans les Codes de 1778, qui seuls définissent le Régime ;
  •  3) – Le souci de la conservation et préservation, de la légitimité historique, initiatique et doctrinale du Régime Ecossais Rectifié.

a) L’Histoire du Régime rectifié, rappelée et respectée

Lors de son discours d’orientation, le Sérénissime Grand Maître du D.N.R.F.-G.D.D.G., a souligné ce qui avait motivé, initialement, Camille Savoire (1869-1951) dans sa décision de réveiller le Grand Directoire des Gaules en 1935, en rompant avec le Grand Orient de France : « Une séparation absolue de l’organisation rituelle et initiatique du Régime rectifié d’avec le Grand Orient de France, pour qu’il puisse vivre selon les formes arrêtées lors du Convent des Gaules et comme décidé lors du Traité d’Union avec les Directoires en 1776. » [1]

Face au refus du Grand Orient de France de respecter cette séparation, s’imaginant « détenteur du Rite », le 23 mars 1935 se déroulait à Paris la tenue historique de la Préfecture de Genève, où fut remise une Patente officielle à Camille Savoire, lui octroyant, en tant que Grand Maître et Grand Prieur du Grand Directoire des Gaules, toute autorité pour créer en France des ateliers du Rite Écossais Rectifié.

Dans son discours Camille Savoire soulignait que le G.O.D.F. s’opposait à la pratique authentique du R.E.R. et que le Grand Directoire des Gaules formerait donc, pour répondre aux exigences willermoziennes, un Ordre autonome et indépendant, composé de membres « désireux de quitter les Obédiences françaises dont les agissements sont en contradiction avec le caractère de la Franc-maçonnerie. » [2]

b) Retour aux bases fondatrices du Régime rectifié

Avec le recul des années, et alors que l’initiative de Camille Savoire allait être menacée rapidement par plusieurs événements conjoints qui firent disparaître de la scène maçonnique le Grand Directoire des Gaules dès 1939, et ce pour de longues décennies, que puissent se retrouver les Puissances rectifiées désireuses d’unir leurs efforts en vue de respecter les critères du « Réveil » de 1935, est un signe extrêmement encourageant, et gros d’espérance pour ceux qui aspirent à ce que le Régime Ecossais Rectifié parvienne, enfin, à vivre en liberté véritable sous le seules ailes du Phénix.

Il n’est d’ailleurs pas anodin, que les trois Puissances signataires de ce samedi 14 décembre 2013 (D.N.R.F.-G.D.D.G., G.P.R.D.H., G.P.I.T.G.), qui proviennent du « Réveil » de 1935, soient toutes issues de la transmission de Camille Savoire, et que si le Grand Directoire des Gaules a été réveillé le 15 décembre 2012 par des Frères provenant du Grand Prieuré des Gaules de 1946 qui s’est écarté des critères rectifiés par son multiritualisme aberrant et sa dérive ecclésiale, ainsi que de Frères du Grand Prieuré Indépendant de France, juridiction liée au Grand Orient de France, que le Gran Priorato Rectificado de Hispania s’est constitué le 16 octobre 2010 en rompant avec une désorientation dogmatique qui s’était imposée au sein du Gran Priorato de Hispania, on retiendra que la naissance du Grand Prieuré Indépendant des Gaules en 1965, participait déjà, d’un mouvement de refus de la Convention signée entre le G.P.D.G. et la G.L.N.F. en 1958, dont on sait les conséquences funestes qu’elle eut par la suite sur le Régime [3].

c) L’unité de l’Ordre

C’est donc conscientes des démarches qui les portèrent, respectivement, et selon des circonstances spécifiques, à refuser des situations devenues totalement inacceptables pour le Régime, que les trois Puissances signataires ont décidé d’unir leurs efforts ce samedi 14 décembre 2013 à Lyon, en scellant, d’une commune volonté, leur engagement au service de l’héritage willermozien.

Il s’agit donc bien, d’une « unité » constituée et édifiée, afin que puisse de nouveau rayonner « l’Esprit » de l’Ordre, dans la mise en œuvre concrète de la « science de l’homme » entendue dans le sens de la «doctrine» dont le Régime est dépositaire, cherchant à construire, pour ceux qui se rangeront à ses côtés en acceptant de cheminer avec lui en se dirigeant du Porche vers le Sanctuaire, un nouveau destin commun en forme d’invitation en s’appuyant, avec confiance, sur les seules bases rituelles et doctrinales du Régime Écossais Rectifié, ceci pour le plus grand bonheur des âmes de désir en quête de la Vérité, et celui de toute la famille humaine au bien de laquelle sont, par définition, consacrés tous ses travaux

Conclusion

Sachant que le Régime rectifié, car il s’agit bien d’un « Régime » lorsqu’on parle du système initiatique élaboré au Convent des Gaules en 1778, est fondé sur des principes intangibles, le caractère préoccupant de la situation maçonnique contemporaine a donné l’occasion aux trois Puissances rectifiées réunies à Lyon, de rappeler leur attachement à la conception willermozienne de l’Ordre, de sorte de sauvegarder l’esprit du Régime, ce qui donna au Grand Maître du Grand Directoire des Gaules  de réaffirmer : « L’Ordre a pour objet de se consacrer à l’étude et à la conservation d’une doctrine dont il est le dépositaire de par l’Histoire, doctrine sacrée qui a un but essentiel et très élevé que peu d’hommes sont dignes de connaître. De ce fait, « l’Ordre », du point de vue rectifié, lorsqu’on y fait allusion, entendu dans son principe le plus profond, le plus authentique, ne réfère donc pas à une structure administrative et temporelle, mais relève d’une dimension purement spirituelle. » [4]

De la sorte, il n’est pas niable qu’en ce samedi 14, du mois de décembre 2013 à Lyon, par ces Traités signés et ces principes fondamentaux réaffirmés, un pas significatif vient d’être effectué, afin que puisse renaître de ses cendres le Phénix symbole d’éternité, et de la réintégration des êtres, attendue et espérée, dans leur première propriété, vertu et puissance spirituelle divine !

*

Enfin, en réponse à ceux qui se révèlent aveugles face à ce projet de « Refondation du Régime« , croyant, naïvement, qu’on peut régler les questions touchant aux lois historiques, initiatiques et doctrinales, par de vulgaires, et d’ailleurs tristement profanes, dispositions administratives et disciplinaires, la seule réponse, fraternelle, entendue ce jour fut celle-ci :

« L’Arbre tient bon ; le Roseau plie.
Le vent redouble ses efforts,
Et fait si bien qu’il déracine
Celui de qui la tête au Ciel était voisine
Et dont les pieds touchaient à l’Empire des Morts
. » [5]

Chêne et roseau

Notes.

1. Camille Savoire, Lettre à Adrien Pouriau (1874-1948), Président du Conseil de l’Ordre du G.O.D.F., 20 mars 1935.

2. Camille Savoire précisait :  « Voilà comment nous avons régulièrement réveillé en France le Rite Rectifié : ce réveil ayant été fait en accord et avec le concours de la seule puissance ayant l’autorité suprême du Rite au monde et en conformité des décisions des divers Convents de 1778, 1781, 1808, et 1811, et en exécution de la décision prise en 1828 par le Directoire de la 5e Province de Neustrie déléguant à la dernière de ses préfectures, dite de Zurich, ses archives, prérogatives, droits, etc…, avec mission de les conserver jusqu’au jour où le réveil du Rectifié pourrait s’effectuer en France et lui permettrait de s’en dessaisir. »

3. Au Convent du G.P.D.G. à Paris, les 23, 24 et 25 septembre 1960, le Frère Louis Didier, alors Préfet des Flandres, avait exprimé, non sans vigueur, son rejet des dispositions de la Convention de 1958, et de ce refus catégorique, naquit à Lille l’idée d’ériger un Grand Prieuré. La Charte constitutive, qui rappelait que les décisions de la Convention 1958 furent prises sans « consultation préalable », fut transmise à André Moiroux le 8 mai 1961. Le G.P.D.G., le 14 octobre 1965, déposait de sa charge  René Rucart, Préfet des Flandres. Celui-ci, loin de prendre acte et de se retirer, prit l’initiative de la création d’un « Directoire provisoire du Rite Rectifié en France », qui faisait parvenir le 30 novembre une lettre circulaire à tous les Chevaliers du G.P.D.G., et à certains de ceux rattachés au G.O.D.F. et à la G.L.N.F.-Opéra, et le 12 décembre 1965 constituait le « Grand Prieuré Indépendant des Gaules », placé sous la présidence de René Rucart, son siège social étant déposé à Lille.

4. Johannes Marcus i.O. Eq. A Crucis Mysterio, Discours d’Orientation, Lyon, 14 décembre 2013.

5. Jean de La Fontaine, Le Chêne et le Roseau, Liv. I, XXe, Fables, 1698.

En lien sur le même sujet :

Unité du RER

L’unité du Régime Écossais Rectifié selon les principes de l’Ordre

El Fénix renace de nuevo en Lyon

Pourquoi le Réveil historique du « Grand Directoire des Gaules » ?

In Codes de 1778, Convent des Gaules, Doctrine, Franc-maçonnerie, Histoire, Jean-Baptiste Willermoz, Ordre, Réforme de Lyon, Régime Ecossais Rectifié on 28 septembre 2013 at 22:28

GDDG - Semper III

Le Directoire National Rectifié de France – Grand Directoire des Gaules

veille désormais, sur la conservation et préservation,

de la légitimité historique du Réveil du Régime Ecossais Rectifié au XXe siècle.

Le 15 septembre 2013, le Directoire National Rectifié de France a annoncé dans un Communiqué largement diffusé, qu’il avait réveillé le « Grand Directoire des Gaules », constitué le 23 mars 1935 à Paris par le Grand Prieuré Indépendant d’Helvétie – érigeant ce dit « Grand Directoire des Gaules », afin que « le Régime Ecossais Rectifié soit pratiqué et maintenu en conformité avec les Statuts de l’Ordre et les décisions de ses Convents fondateurs » [1]

Cette annonce, venant s’ajouter à celle du 15 décembre 2012 qui informait de la constitution du Directoire National Rectifié de France (D.N.R.F.), précisément afin que le Régime Ecossais Rectifié soit pratiqué en conformité avec les Statuts de l’Ordre et ses Convents fondateurs, relève d’une volonté historique qu’il convient de comprendre, sans quoi il est fort possible que les observateurs et acteurs de la chose maçonnique, passent complètement à côté d’un évènement extrêmement important sur le plan de l’Histoire du Régime rectifié, pouvant aisément confondre en se laissant abuser, les épiphénomènes qui accompagnent inévitablement le cours des choses en ce bas-monde, et qui d’ailleurs après saturation envahissante, s’évaporent très vite des mémoires, avec les éléments essentiels qui seuls intéressent le devenir de l’initiation willermozienne.

Eclairons donc, puisque se sont les seuls qui importent, les « éléments essentiels » qui intéressent le devenir de l’initiation rectifiée.

a) Un nom imaginaire sous lequel le Régime Ecossais Rectifié n’a jamais été réveillé au XXe siècle, celui de : « Grand Prieuré des Gaules » !

Tout d’abord un premier constat.

Le Grand Directoire des Gaules, fort curieusement, à peine constitué en 1935, et alors que tous les documents officiels de l’époque ont été rédigés à son seul profit, fut peu à peu éclipsé par une dénomination surgie de l’imagination et créée de toute pièce :  « Grand Prieuré des Gaules » – sans doute par l’effet d’un mimétisme trompeur à l’égard du Grand Prieuré Indépendant d’Helvétie, qui lui – puisque l’Helvétie fut érigée en Grand Prieuré lors du Convent des Gaules en 1778, pouvait se revendiquer du titre de « Grand Prieuré »,  contrairement à la France (ou à la « Gaule« ) constituée de trois Provinces (IIe Auvergne, IIIe Occitanie, et Ve Bourgogne), auxquelles seules est liée la notion de « Grand Prieuré » – et que l’on se mit à utiliser sans y faire trop attention, pour désigner l’instance du Réveil au niveau national.

Ce nom de « Grand Prieuré des Gaules », était, reste et demeure donc, le fruit d’une pure invention arbitraire, car sans aucun lien et dénué de toute légitimité nominative, ni avec l’acte du Réveil de 1935, mais également avec la matricule de l’Ordre des Convents fondateurs du Régime Ecossais Rectifié, tant celui des Gaules en 1778, que celui de Wilhelmsbad en 1782.

On pourra dès lors, toujours chercher en vain un quelconque « Grand Prieuré des Gaules » dans les documents historiques officiels, on ne trouvera strictement rien sous ce nom, ni au XVIIIe siècle, ni non plus au XXe, notamment en 1935…et ce jusqu’en 1946.

b) Un constant éloignement des critères du Réveil du Régime rectifié (1946-2012)

Mais, comme si cette invention terminologique avait posé sur lui, quasi ontologiquement, une sorte de destination à l’erreur, ce « Grand Prieuré des Gaules », déclaré en effet tardivement en Préfecture après-guerre le 15 décembre 1946 [2], qui ne possédait donc, comme on vient de le voir, qu’un « lien de désir » avec le Grand Directoire des Gaules de 1935, certes lentement mais inexorablement, se mit à s’éloigner au fil des années des critères mêmes qui avaient été pourtant précisément spécifiés lors de l’acte du Réveil du Régime.

Nous ne retracerons pas ici, quoique cette liste serait fort instructive, le rappel des renoncements  constants et successifs à l’égard des critères du Réveil qui adviendront de 1946 à nos jours, nous contentant de dire simplement que ces positions aberrantes, trahissant objectivement l’esprit de la Réforme de Lyon – dont celle ultime, et sans doute fatale, sous le concept de « franc-maçonnerie chrétienne », aura abouti à la constitution d’une obédience multiritualiste à laquelle est attachée une Aumônerie dont la mission (sic) est « l’enseignement des principes spirituels des Ordres, en particulier la doctrine de la religion et de l’initiation chrétiennes » [3], ce qui aurait évidemment fait frémir d’épouvante Jean-Baptiste Willermoz (1730-1824) – ont cependant conduit la tendance willermozienne issue du Grand Prieuré des Gaules, à se séparer en décembre 2012 de cette instance s’étant écartée des principes de l’Ordre pour, enfin, et il était temps avant qu’il ne soit trop tard, revenir aux fondements du Régime rectifié.

c) Le Réveil du Grand Directoire des Gaules, instance du Réveil du Régime rectifié

En quoi consiste donc l’initiative du Directoire National Rectifié de France, dont on parle beaucoup et que l’on commente avec plus ou moins de pertinence à propos de sa nature et de ses objectifs, mais qu’il serait heureux et surtout fort utile de comprendre, afin d’éviter à de nombreux observateurs de voir passer le courant de l’Histoire avec un bandeau sur les yeux ?

Résumons-donc les grands  principes, qui fondent l’action du Directoire National Rectifié de France.

1°) Le Réveil du Grand Directoire des Gaules répond à deux points principaux :

  • Le nom « Grand Directoire des Gaules » a été tout simplement éclipsé 70 ans par une désignation fautive, prétendant incarner la légitimité du Réveil de 1935, mais en étant aucunement rattachée à une réalité historique du Régime du XVIIIe siècle au XXe.
  • Les critères, qui conditionnaient le Réveil du Régime rectifié en 1935, ainsi que le devenir et la nature de l’instance par laquelle s’opérait ce « Réveil », ont tous, peu à peu au fil des années, été abandonnés, oubliés, voire profondément trahis, provoquant un éloignement considérable d’avec l’intention initiale qui avait motivé l’entreprise de Camille Savoire et des Frères qui l’entouraient à l’époque [4].

 2°) Les décisions qui s’imposaient sont donc les suivantes :

  • Il fallait que soit engagé sans tarder – faute de quoi le risque était grand de voir disparaître le courant willermozien fidèle aux intentions de Camille Savoire, courant qui avait quitté la G.L.N.F. en 2000 pour préserver le Régime en s’engageant auprès du G.P.D.G. [5] – un retour aux critères qui présidèrent à l’intention fondatrice du Réveil.
  • Que le nom sous lequel s’était effectué ce Réveil soit de nouveau utilisé de manière à symboliser la volonté de retour aux intentions de 1935, et qu’enfin resurgisse véritablement, non une obédience de plus au sein du chaos régnant actuellement – voire un énième « Grand Prieuré rectifié » au milieu de tous ceux créés pour des motifs divers depuis plusieurs décennies – mais l’instance sous laquelle ceux qui réveillèrent le Régime au XXe siècle voulurent le faire vivre, soit le : « Grand Directoire des Gaules ».

Conclusion

Ainsi donc, après une éclipse de près de 70 ans, le Directoire National Rectifié de France, conscient de sa responsabilité historique, a donc refait surgir sur la scène de la vie initiatique rectifiée, pas simplement le « nom » par lequel le Régime fut réveillé en France en 1935, mais d’abord et avant tout, l’intention fondatrice qui présida à ce Réveil.

De ce fait la désignation :

« Directoire National Rectifié de France – Grand Directoire des Gaules »,

signale en 4 points :

1) Le souhait de revenir à l’esprit des Convents fondateurs de l’Ordre ;

2) La volonté de respecter les critères willermoziens qui seuls définissent le Régime ;

3) La fidélité vis-à-vis du projet de Camille Savoire désireux de réveiller complètement le Régime rectifié, qui se concrétisa en mars 1935 ;

4) La responsabilité désormais, de la conservation et préservation, de la légitimité historique du Réveil du Régime Ecossais Rectifié au XXe siècle en France.

Comme l’écrit dans son Communiqué le D.N.R.F.- G.D.D.G., à juste titre : « On comprend donc en quoi, le retour à la dénomination « Grand Directoire des Gaules » est à la fois une façon de manifester notre volonté de respecter les termes de la Charte constitutive du Réveil de 1935, et de signaler que c’est l’instance même du Réveil du Régime en France – quoique non oublieuse de ce qui relève des épisodes antérieurs aux 15 décembre 2012 à Lyon – qui retrouve aujourd’hui ses fondements historiques. » [6]

Lire :

GDDG XVI 

Réveil du « Grand Directoire des Gaules » (1935-2012)

Notes.

1. Charte-constitutive & Lettres-patentes pour le réveil du Régime Écossais Rectifié en France, sous l’obédience du Grand Directoire des Gaules, Fait et signé sous les Sceaux du Grand Prieuré Indépendant d’Helvétie, du Grand Directoire Écossais Rectifié et de la Préfecture de Genève, à Genève, et à Paris, les 20 et 23 mars 1935.

2. On notera tout de même l’étrange coïncidence, liant en un  écho lointain, la déclaration de Camille Savoire effectuée le 15 décembre 1946 après-guerre pour sortir l’instance du Réveil de son sommeil forcé, et celle des Frères réunis afin de constituer le « D.N.R.F. – G.D.D.G. », le 15 décembre 2012 à Lyon.

3. Cf. Statuts Civils & Constitution et Règlements Généraux du G.P.D.G., Livre VII, titre I, 2005, p. 54.

4. Depuis plusieurs années Camille Savoire était en relation suivie avec le G.P.I.H. afin que puisse être réveillée en France une instance de direction du système fondé par Jean-Baptiste Willermoz au XVIIIe siècle. Dans son discours le 23 mars 1935, Camille Savoire soulignait que le G.O.D.F. s’opposait à la pratique authentique du R.E.R. et que le Grand Directoire des Gaules formerait pour répondre aux exigences willermoziennes, un Ordre autonome et indépendant, composé de membres « désireux de quitter les Obédiences françaises dont les agissements, étaient en contradiction avec le caractère de la Franc-maçonnerie ». Il rajoutait : « Voilà comment nous avons régulièrement réveillé en France le Rite Rectifié : ce réveil ayant été fait en accord et avec le concours de la seule puissance ayant l’autorité suprême du Rite au monde et en conformité des décisions des divers Convents de 1778, 1781, 1808, et 1811, et en exécution de la décision prise en 1828 par le Directoire de la 5° province de Neustrie déléguant à la dernière de ses préfectures, dite de Zurich, ses archives, prérogatives, droits, etc…, avec mission de les conserver jusqu’au jour où le réveil du Rectifié pourrait s’effectuer en France et lui permettrait de s’en dessaisir. »

5. Rappelons que la sortie de la G.L.N.F., en forme d’éviction motivée le 13 juin 2000 par une « volonté d’expansionnisme vers d’autres rites », s’est faite sous la bannières d’un « G.P.D.G. –Ordre Unis », qui devint ensuite « G.P.D.G. Ordre des Chevaliers Maçons Chrétiens de France / Ordre des Francs-Maçons Chrétiens de France », se révélant incapable depuis 12 ans ! d’instruire une réforme apte à ramener cette obédience – ayant en réalité substitué à l’enseignement de l’Ordre une conception assez originale et très personnelle du christianisme – aux critères du Régime rectifié.

6. Communiqué du D.N.R.F.- G.D.D.G., 15 septembre 2013.

En lien sur le même sujet :

GDDG - Mars-1935

Réveil du « Grand Directoire des Gaules » (1935-2012) :

un rappel des conditions d’authenticité

Du réveil du Grand Directoire des Gaules

Le Régime Ecossais Rectifié est étranger aux formes « obédientielles »

In Codes de 1778, Convent des Gaules, Doctrine, Histoire, Jean-Baptiste Willermoz, Ordre, Réforme de Lyon, Régime Ecossais Rectifié on 31 janvier 2013 at 00:05

Ordre

L’initiative récente du Directoire National Rectifié de France-Grand Directoire des Gaules, de réagir à la situation actuelle inquiétante en décidant de revenir à la conception originelle de l’Ordre rectifié, telle que pensée par Jean-Baptiste Willermoz lors du Convent des Gaules en 1778, initiative pourtant vitale, semble provoquer quelques incompréhensions.

Beaucoup s’interrogent, plus ou moins sincèrement, en se demandant ce que signifie le rappel des principes rectifiés exprimé par le D.N.R.F.-G.D.D.G. ?

Tout simplement que le Régime, car il s’agit bien d’un « régime » lorsqu’on parle du R.E.R., est fondé sur la notion d’Ordre, notion qui n’a strictement rien à voir avec la conception moderne « d’obédience ».

On sait comment René Guénon voyait dans la création des obédiences maçonniques, un mal moderne qui avait eu une responsabilité directe dans la « dégénérescence » profane de l’initiation : « Dans le Symbolisme (numéro d’avril), Oswald Wirth, parlant de L’Avenir maçonnique, dénonce « l’erreur de 1717, qui nous a valu les gouvernements maçonniques, calqués sur les institutions profanes, avec contrefaçon d’un pouvoir exécutif, d’un parlement, d’une administration paperassière et de relations diplomatiques » ; là-dessus tout au moins, nous sommes assez de son avis, comme le prouve d’ailleurs tout ce que nous avons dit ici même de la moderne dégénérescence de certaines organisations initiatiques en « sociétés ». [1]

Cette influence « profane » sur l’Ordre, a provoqué toutes les catastrophes que nous connaissons, qui se sont abattues sur la Franc-maçonnerie depuis des décennies, et dont le Régime rectifié n’a pas été épargné (affairisme, politique, dogmatisme clérical, oubli de la doctrine, direction partisane, autoritarisme, désorientation, recrutement inconsidéré, etc.).

 C’est pourquoi le Directoire National Rectifié de France-Grand Directoire des Gaules, conscient du caractère préoccupant de la situation, entend revenir à la conception willermozienne de l’Ordre, et le proclame clairement afin de corriger les dérives contemporaines et sauvegarder l’esprit du Régime : « L’Ordre des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte, fut conçu pour être l’écrin de l’Ordre mystérieux qui est l’essence même du Régime rectifié, sa substance intérieure secrète. Ses travaux se dérouleront donc dans l’invisible et auront pour objet de se consacrer à l’étude et à la conservation de la doctrine de la réintégration dont l’Ordre est le dépositaire de par l’Histoire, doctrine sacrée qui a un but essentiel et très élevé que peu d’hommes sont dignes de connaître. Willermoz écrira du Haut et Saint Ordre : « Son origine est si reculée, qu’elle se perd dans la nuit des siècles ; tout ce que peut l’institution maçonnique, c’est d’aider à remonter jusqu’à cet Ordre primitif, qu’on doit regarder comme le principe de la franc-maçonnerie ; c’est une source précieuse, ignorée de la multitude, mais qui ne saurait être perdue : l’un est la Chose même, l’autre n’est que le moyen d’y atteindre

De ce fait, « l’Ordre », du point de vue rectifié, lorsqu’on y fait allusion, entendu dans son principe le plus profond, le plus authentique, ne réfère donc pas à une structure administrative et temporelle, mais relève d’une dimension purement spirituelle dont l’Ordre des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte a le devoir de protéger l’existence, et de le défendre contre les forces de l’Adversaire. » [2]

Quoi de plus logique pour le Régime rectifié ?

Quoi de plus nécessaire, utile et louable ?

Le constat du Directoire National Rectifié de France-Grand Directoire des Gaules s’impose donc :

« Depuis le réveil complet du Régime en France au XXe siècle, force est de constater que les principes de fonctionnement propre à l’Ordre des C.B.C.S., pourtant clairement définis, n’ont pas été respectés. On a voulu se servir des cadres obédientiels de la maçonnerie andersonienne afin de faire vivre le Régime rectifié. Et, à cet égard, toutes les formes sous lesquelles vit le Régime actuellement ne sont en rien conformes à son essence, mais de plus, y compris les formes structurelles distinguées sous le nom de « Grands Prieurés » assortis de leurs divers titres distinctifs (régulier, indépendant, rectifié, réformé, traditionnel, des Gaules, etc.), qui sont en réalité très éloignés des critères propres de la rectification tels que spécifiés dans le Code de 1778. » [3]

La conséquence de cet éloignement est, hélas, grave pour le Régime :

« On est ainsi obligé de constater que depuis le réveil en 1935 du Régime, la conception originelle du Code n’a presque jamais été suivie, entraînant des disfonctionnements significatifs dans la logique organisatrice du Régime Ecossais Rectifié qui cessa, dès lors, de se penser comme un « Ordre », le ramenant à un Rite réduit à une conception obédientielle absolument étrangère à l’esprit de la rectification, même si imaginant en relever en usant de titres et dénominations issus du corpus sémantique willermozien. » [4]

Voilà qui est objectivement incontestable, la « conception obédientielle est absolument étrangère à l’esprit de la rectification », et vouloir faire rentrer le R.E.R., dans les cadres de la maçonnerie andersonienne en le faisant co-exister avec d’autres Rites, est une aberration.

Encore est-il possible d’être relativement clément pour les structures qui, pratiquant le R.E.R., se sont constituées dès le départ en tant qu’obédiences, en s’appuyant sur les principes des Constitutions de la Grande Loge Unie d’Angleterre de 1723.

Mais pour les structures rectifiées, qui normalement devaient fonctionner selon le Code Maçonnique des loges Réunies et Rectifiées de 1778 et ne l’ont pas respecté, c’est un oubli, pour ne pas dire une trahison pure et simple des bases de la Réforme de Lyon !

Comme le rappelait Marius Lepage, dans une formulation qui pourrait être de Willermoz : « L’Ordre est d’essence indéfinissable et absolue; l’Obédience est soumise à toutes les fluctuations inhérentes à la faiblesse congénitale de l’esprit humain. C’est pourquoi, si nous étudions historiquement les Obédiences, nous ne parlerons de l’Ordre qu’avec notre coeur et notre intuition, ou, plus exactement, avec la grâce de cette illumination intérieure qui n’est pas mesurée pour celui dont la vie quotidienne est intimement liée à l’esprit de la Franc-Maçonnerie.» [5]

Pourtant, il est tout à fait clair, par certaines réactions constatées, que bien peu comprennent encore ce qu’est « l’Ordre » ; il était donc grand temps d’en revenir aux principes du Régime tels que signalés dans l’une de ses Instructions : « Vous cherchez à remonter au but primitif de la Franc-Maçonnerie et l’on vous a attaché à un Ordre qui correspond avec ceux qui seuls peuvent vous instruire. Si vous savez quelque jour vous faire recon­naître pour un vrai chevalier Maçon de la Cité Sainte, si vous bâtissez constamment dans le temple du Seigneur, vous pouvez concevoir l’espoir de parvenir à un but si désiré. » (Instruction du 5e Grade, 1778).

La conclusion, qui s’impose d’elle-même et s’exige impérativement pour le Régime rectifié, nous est donnée par Robert Amadou : « l’accomplissement des rites propres à l’écossisme rectifié suppose que celui-ci soit constitué en un régime autonome. » [6]

Relisons, à la lumière de cette analyse, la Proclamation du Directoire National Rectifié de France-Grand Directoire des Gaules, et qui pourra prétendre ensuite, sous de fallacieux prétextes, qu’elle ne répond pas à une juste et parfaite logique rectifiée :

« L’Ordre des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte, s’appuyant sur les transmissions et qualifications qu’il détient, constatant l’éloignement des critères rectifiés dans lequel on fait vivre le Régime, s’engage dans une entreprise de réforme et de retour aux fondements structurels et spirituels de l’initiation willermozienne, et dans la mise en œuvre concrète de la « science de l’homme » entendue dans le sens de la « doctrine » dont le Régime est dépositaire, cherchant à construire et édifier, pour ceux qui se rangeront à ses côtés en acceptant de cheminer avec lui en se dirigeant du Porche vers le Sanctuaire, un nouveau destin commun en forme d’invitation en s’appuyant, avec confiance, sur les seules bases rituelles et doctrinales du Régime Ecossais Rectifié, ceci pour le plus grand bonheur des âmes de désir en quête de la Vérité et celui de toute la famille humaine au bien de laquelle sont, par définition, consacrés tous ses travaux. »  [7]

 

Notes.

1. R. Guénon, Etudes sur la Franc-maçonnerie et le Compagnonnage, Etudes traditionnelles, 1964, p. 192.

2. Proclamation refondatrice de l’Ordre rectifié, D.N.R.F., 15 décembre 2012.

3. Ibid.

4. Ibid.

5. M. Lepage, L’Ordre et les Obédiences, Histoire et Doctrine de la Franc-Maçonnerie, 1956, p.8

6. R. Amadou, De l’Ordre, présentation du régime écossais rectifié, nd.

7. Proclamation refondatrice de l’Ordre rectifié, D.N.R.F.